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FÒK SA CHANJE

samedi 20 mars 2010

Pour une meilleure gestion du récent désastre en Ayiti


Suite au séisme dévastateur du 12 janvier 2010, il est très juste que le président René Préval forme une commission capable de guider la gestion du désastre en proposant des solutions. Néanmoins, il est très incorrect que cette commission ne jure que par l’impossible en mettant l’emphase sur l’incapacité du pays de rendre l’impossible possible. Le discours de monsieur Charles Clermont, le responsable de la commission, annonçant l’incertitude est inacceptable après un mois d’attente d’une proposition. Dire que les tentes sont chères, prennent de la place pendant que l’espace libre fait défaut dans la région métropolitaine, et ne protègent pas mieux que les bâches en plastique fait preuve de complaisance dans la gestion des affaires du pays. La discussion qui suit tisse sa toile de fond de l’article de Frantz Duval “La problématique des tentes” (Le Nouvelliste 23 février 2010), pour :

I : Rappeler une définition générale du concept de gestion.
II : Attirer l’attention sur la complaisance de la commission.
III : Montrer comment une organisation initiale aurait pu être juste.
IV : Faire un croquis d’une structure d’organisation initiale.
V : Démontrer que la question des tentes est un faux problème.

I : L’essence de la gestion

S’il est vrai que gérer implique une démarche scientifique permettant de générer des solutions justes, celle-ci ne le sont pas toujours. Les situations qui présentent des particularités différentes font appel à des approches appropriées sans être obligatoirement correctes. Quand les principes qui marchent habituellement ne répondent pas dans certains cas, l’ingéniosité reste la seule bouée de sauvetage. La créativité doit faire surface même quand le processus requiert une approche rationnelle nécessitant l’identification des paramètres du problème, l’évaluation du contexte dans lequel celui-ci se pose, et l’organisation des ressources pour le résoudre. N’étant à déterminer qu’après exécution, la justesse d’une proposition tire son essence dans le tâtonnement.

Quand la science et l’art sont réunis dans un processus de gestion, résoudre un problème devient toujours possible même s’il en faut du temps. Reconnaissant l’existence de ces deux aspects, il n’est pas rationnel de laisser l’immensité d’une tâche prendre le dessus au point de se sentir incapable d’y faire face. Les nouveaux principes de gestion ou techniques de faire peuvent ne pas être à la portée, mais cela ne veut pas dire que le problème est insoluble. Avec comme levier la créativité pour imaginer un moyen approprié, il convient d’être efficient pour s’y faire avec les moyens du bord, peu importe le temps que prend le processus de résolution du problème.

II : L’inadmissible complaisance de la commission

Cela rend inadmissible la complaisance de la commission qui évoque l’incapacité du pays de déblayer dans un délai court en raison du manque de matériel spécialisé et de savoir-faire pour justifier sa dépendance de l’étranger. Qu’y-a-t-il de si compliqué dans le déblaiement des débris pour lequel la commission exige des équipes spécialisées avec un savoir-faire ? Les objets de valeur qu’il ne faut pas détruire ? Ce sont des propos visant à décharger les gestionnaires de la société de leur responsabilité de produire des propositions de solutions acceptables aux problèmes que confronte le pays, une fonction pour laquelle ils se sont présentés comme les mieux placés à remplir.

Le gouvernement formant une équipe de gestionnaires des affaires du pays attend de la commission une proposition pour l’aider à faire face au désastre du 12 janvier. Comme tout le monde, il est bien au courant des capacités limitées du pays et sait aussi bien qu’il faudra du temps pour voir le bout du tunnel. Acceptant la responsabilité de diriger le pays, l’équipe est bien imbue de la difficulté de gérer une société ; lui dire que la gestion du désastre ne sera pas une tâche facile ne la conduit nulle part. L’emphase devrait être sur les idées/outils qui vont lui permettre de surmonter ses défaillances et les impondérables. Dans tout processus de gestion, il y a des paramètres qui sont données et ne peuvent être des éléments de solutions. Si par contre, ils y sont ce n’est que pour justifier la solution proposée. En aucun cas, la faiblesse du gouvernement ni le temps devraient être un déterminant de son comportement au point de les ‘internaliser’ pour le figer et le ramener à la case départ.

III : La justesse d’une organisation initiale

S’il est clair pour tous que la capitale ne peut pas être transformée en un camp de réfugiés, il est inconcevable d’avancer qu’il n’y a pas assez d’espace libre pour héberger les sans-abris sous des tentes en attendant la construction des logements provisoires avant la reconstruction du pays. Il suffit d’une organisation efficiente des espaces publics où se réfugient les victimes du séisme. Il est compréhensible que dans les premiers jours le flux des gens investissant ces lieux soit incontrôlable. Toutefois, dans les cinq jours qui ont suivi, la présence des autorités y devrait être visible ou ressentie pour organiser les lieux, avec ou sans tentes, et agencer l’assistance qu’elles devraient apporter.

Applicable autant aux places publiques qu’aux quartiers où les familles préfèrent s’installer dans les rues de leur résidence endommagée ou détruite, ce système d’organisation initiale devrait suffire pour montrer une prise en charge de la situation par le gouvernement, en dépit du manque de moyens pour y arriver. A ce tournant, l’assistance prendrait tout son sens, parce que les efforts initiaux du gouvernement seraient rencontrés à mi-chemin par la communauté internationale. Aucun n’aurait pu nier l’autorité légitime du gouvernement de la gestion entière de l’aide apportée. Il ne serait pas non plus dépassé par les événements au point de n’avoir aucune emprise sur la gestion de l’assistance internationale et de laisser le destin du pays à la merci des organisations internationales qui dessinent, chacune à sa manière le visage du pays dans les années à venir.

IV : La structure du système d’organisation initiale

Ne pas être habitué à ce genre de phénomène ne devrait être un prétexte pour ne pas concevoir un système d’organisation initiale pouvant démontrer la capacité de mener le pays à bon port, suffit-il d’une assistance en cours de route. Si de façon anarchique les victimes se sont arrangées soit sur les différentes places publiques ou dans leurs propres quartiers où elles habitent, il n’y a aucune raison pour que le gouvernement n’ait pas pu gérer l’affluence cinq jours après le séisme. Les autorités publiques auraient pu former une équipe devant ‘monitorer’ les différentes places publiques. Subdivisée en cinq groupes, elle assurerait les fonctions suivantes :

1) Diviser chaque espace en blocs et surveiller au maintien de la structure mise en place. La taille de la population l’y occupant déterminerait le nombre de blocs à créer.

2) Inventorier chaque bloc et attribuer un numéro d’identité à chacune des familles occupant un bloc, et aussi un numéro d’identité à chaque membre d’une famille. Donc, le numéro d’identité de chacun indiquerait la zone/place publique, le bloc et la famille.

3) Coordonner l’assistance suivant l’organisation prévue pour les deux premiers groupes. Un apport fondamental à apporter par ce groupe serait d’organiser des cantines populaires et de monter des unités de premiers soins pour desservir, soit la zone/place toute entière ou un groupe de blocs dépendant de la densité de la population.

4) Sécuriser les zones/places publiques et les blocs par des équipes de jour et de nuit.

5) Assurer l’entretien des zones/places publiques et les blocs.

Pour rendre effective la gestion de l’espace il convient :

1) De choisir l’aire des places publiques incluant certaines rues adjacentes pour tracer les périmètres des blocs. Dans ce cas, il serait impératif d’obliger les autorités concernées à réorganiser la circulation des véhicules, parce qu’il faudrait interdire la circulation des automobiles dans ces rues.

2) D’avoir plusieurs dimensions de tentes pour tenir compte des cas spéciaux de certaines familles selon des critères établis, et des affinités permettant de garder ensemble un nombre de familles.

3) De calculer la capacité d’accueil des blocs suivant la dimension des tentes et le nombre à y installer.

4) De concevoir un système d’information simple avec une base de données mise en réseau. Les techniciens devant assumer cette tâche ne font pas défaut et sont disponibles. Beaucoup de jeunes maîtrisent les nouvelles techniques et attendent qu’on utilise leur compétence.

Le bénéfice d’un tel système serait la capacité d’identifier les familles et leurs membres, d’installer, par bloc ou par groupe de blocs, des cantines populaires (ce qui est préférable à la distribution de nourriture brute) comme déjà suggéré ailleurs, d’établir des unités de gestion des affaires sociales, de santé et d’autres entités jugées nécessaires à l’harmonisation collective dans cette circonstance. Ce serait une structure temporaire devant permettre le temps nécessaire pour construire des logements provisoires, peu importe l’endroit choisi par le gouvernement. Dans l’espace de 6 mois, la population vivant sous les tentes, pourraient déjà commencer à s’y installer dans l’ordre. Au lieu de passer son temps à se plaindre de l’incapacité du pays, poser de faux problèmes comme celui des tentes, et attendre tout de la communauté internationale, le pays serait bel et bien parti vers sa réorganisation si la commission se mettait à l’œuvre. Certes ! Ayiti n’est pas le Chili qui dit non merci à l’assistance internationale offerte parce qu’il n’a besoin de rien pour le moment pour faire face aux conséquences du séisme qu’il vient de subir, mais au moins elle aurait pu tirer sa fierté en montrant qu’elle peut initier un système d’assistance lui permettant de gérer le désastre.

V : Le faux problème de tentes

Poser le problème de coûts des tentes comme un obstacle pour faire une insignifiante proposition de bâche en plastique met à nue l’absence d’ingéniosité de la commission. Encore, le coût aussi élevé qu’il puisse être ne peut empêcher au gouvernement d’initier un effort d’en pourvoir à quelques milliers de victimes. La commission parle de tentes qui coûtent près de 800 à 1,400 dollars américains. Notant qu’il y en a à bien meilleur marché, il importe de démontrer qu’il est possible d’en pourvoir à un nombre considérable de victimes.

En prenant comme exemple une tente conçue spécialement pour le cas d’Ayiti avec toutes les qualités requises pour un prix élevé à hauteur de 1,700 dollars l’unité et qui peut héberger 10 personnes incluant des enfants. Sans considération d’un rabais sur la quantité, une commande de 1,000 tentes coûterait 1,700,000 dollars pour abriter 10,000 victimes à raison de 10 personnes par tente. L’injuste dévalorisation d’un tel produit n’est pas assez persuasive pour introduire un vil produit à vue d’œil. Le fait que la majorité de la population est sous l’empire de la pauvreté absolue ne veut pas dire qu’elle doit être réduite à l’ignoble. Il fallait jouer avec les chiffres et juger réellement si le gouvernement pourrait faire le sacrifice et avancer une somme du trésor public quitte à être assisté par la communauté internationale en cours de route.

D’ailleurs si tout le monde souhaite aider en nature ou en espèce, il revient au gouvernement de déterminer comment et où utiliser leur assistance. En l’occurrence, le président brésilien Luiz Iniacio Lula da Silva vient de promettre 100,000,000 dollars en appui budgétaire tout en insistant sur la nécessité que le pays définisse ses propres priorités par rapport à l'aide de la communauté internationale (Le Nouvelliste 25 Février 2010). De toute évidence, une commande de 10,000 tentes au coût de 17,000,000 dollars pour 100,000 victimes, n’empêcherait pas au budget du gouvernement d’absorber les 83,000,000 qui resteraient. La commission a mal pioché en voulant rendre complexe une situation qu’un minimum d’organisation rendrait gérable. Après tout, ce n’est qu’une question d’organisation. D’ailleurs, une organisation efficiente est celle qui utilise les moyens du bord ou le peu de ressources disponibles pour tirer le maximum de bénéfice que possible. Si la commission croit que ses arguments sont assez persuasifs, il lui faut davantage pour convaincre le reste de la population.


Jean Poincy
Mars 2010

1 commentaire:

Katell a dit…

Felicitations Jean!
Katell Le Goulven