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FÒK SA CHANJE

jeudi 16 juillet 2015

Du mécanisme de prospérité économique pour éliminer la pauvreté en Ayiti


Cadre de réflexion

La chute libre de la gourde face au dollar américain confirme l’état dysfonctionnel de l’économie Ayitienne caractérisée par une absence de production et une importation excessive de la majorité des biens de consommation. Consacrant ainsi la dépendance totale du pays de l’extérieur, il en résulte non seulement une fuite de ressources financières, mais aussi un blocage au développement des industries locales. Par défaut, le supposé producteur devient strictement importateur-distributeur-commerçant et rend inappropriée la consommation interne. Cette pratique économique nécessite une réserve considérable de devise américaine pour rendre effective ladite consommation.

Cette fuite du dollar serait insignifiante si la rentrée du dollar lui était nettement supérieure à partir d’un niveau élevé de production dédiée à l’exportation. Ce que la nature extravertie de l’économie Ayitienne dont la production nationale vise le marché international aurait pu aider à faire. Tel n’est pas le cas. Mis à part la mangue francique qui donne au pays une notoriété imbattable, tous les autres produits d’exportation incluant le café, de bonne réputation, font face à une rude compétition sur le marché international. En conséquence, la marge d’entrée en dollar, excessivement réduite, ne peut pas compenser sa fuite issue de l’importation.

Sans tenir compte des besoins exprimés par la population pour des voyages et frais d’études des citoyens Ayitiens en terre étrangère asséchant les réserves de dollar, l’état dysfonctionnel de l’économie à elle seule suffit à maintenir dans l'abîme la gourde pendant longtemps. Pourquoi ce tollé autour de la parité actuelle de plus de 50 gourdes pour 1 dollar américain quand ce gouffre est une suite logique du comportement des agents économiques du pays ? Se plaindre d’une chute continue de la gourde ne signifie aucunement la prise de nouvelles mesures pour dynamiser l’économie Ayitienne. Cette réaction se rapporte plutôt à une crainte d’incapacité financière au mépris de l’état de l’économie. Les grognes auraient dû être contre le fait que la parité n’est pas 1 gourde pour 1 dollar. Plutôt, l’écart inacceptable entre ces deux devises semble être la norme. Il est question de s’adapter même après une chute vertigineuse de la gourde en guise de définir une stratégie de remontée de la gourde jusqu’à une parité égale avec le dollar.

Cela est réalisable dans le temps avec la prospérité économique qui dépend d’une économie dynamique. Son essence est la production locale pour la consommation locale où les distributeurs-commerçants deviennent de réels producteurs-commerçants. Ce faisant, il en résulte une relation circulaire de transactions entre producteurs et consommateurs locaux pour ralentir considérablement la fuite du dollar et augmenter en retour la valeur de la gourde. L’objectif étant la prospérité économique, il est à promouvoir la production nationale, par le biais des secteurs porteurs avec une forte capacité de transformation et de création d’emplois, d'un replâtrage du système bancaire pour faciliter des prêts à l’investissement, et d'une politique d'emplois. 

Ce texte rappelle qu'aucun progrès social ne sera possible sans la prospérité économique. Faisant de celle-ci le levier du changement, il est opérable sur trois vitesses qui touchent principalement, la nature des activités de production envisagées, l'investissement capable de rendre effectives les activités de production des biens consacrés à la consommation locale, et le pouvoir d'achat qui, dépendant de l'investissement local ou étranger, permet d'alimenter la consommation des biens locaux pour concrétiser la relance économique.

De la prospérité économique

La prospérité économique suppose initialement la propulsion de la production nationale pour la consommation nationale et le plein emploi des ressources dans des activités de production à haute intensité de main-d'oeuvre. La stratégie la plus payante est donc l’industrialisation qui entend la production massive des biens de consommation. La majorité de la population active directement impliquée dans le processus de production sera détentrice d'un revenu régulier qui coupera la corde de dépendance financière vis-à-vis d'un pourvoyeur, pour ne pas dire de l’Etat. Avec un revenu gagné à la sueur de son front, tout individu ou parent serait apte à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ; et devant le gagner, il se conditionnerait à pouvoir le faire dans la constance et la discipline.

Au temps initial de la relance économique, il importe d’employer le plus de gens que possible. Avec toutes ses tares, le secteur qui semble être le plus capable de répondre à cette exigence est celui de l’assemblage, déjà en tête de liste des autres secteurs en terme d’emplois. Toutefois, il mérite une attention particulière pour non seulement calmer la tension relative au salaire minimum, mais aussi pour faciliter son expansion afin d’éponger le nombre de chômeurs sur le marché.  Concrètement, le problème réside non dans le salaire minimum, mais dans le chômage qui est la source principale d’instabilité et d’insécurité. Aussi bas que soit le salaire minimum, un accompagnement social apporté aux ouvriers suffirait pour le rendre insignifiant.

Des retombées immédiates

N’étant plus chômeur, l’ouvrier devient un consommateur effectif du bien qu'il contribue à produire, parce que le revenu gagné en contrepartie de son travail fourni lui apporte le pouvoir d'achat nécessaire à toute idée d'amélioration de ses conditions de vie. L'Etat de son côté se garantirait une entrée fiscale régulière via l'impôt sur le revenu du travailleur et les taxes prélevées sur les produits consommés. Ce serait une source de revenu public indéniablement sûre et quasiment intarissable qui permettrait à l'Etat d'intervenir pour accompagner l'économie en mettant en place les infrastructures de base, et pour assister les plus vulnérables.

Cette logique économique incontournable dote l'Etat de la capacité requise pour bien remplir sa mission, rendre effectives ses actions, réduire sa charge d'assistance sociale, tirer le pays de la pauvreté absolue, et donner une chance à chaque individu de pouvoir répondre lui-même à ses obligations sans qu'il soit assisté par quiconque. Ne pas en tenir compte épinglerait la disposition politique de l'Etat à la mendicité internationale ou l'obligerait à alimenter sa caisse de revenu public à partir d'une source fiscale aléatoire ou par l'exaction fiscale qui est le cas actuellement avec la montée soudaine des frais exorbitants sur les demandes de documents officiels. Cela risquerait de neutraliser tous les efforts louables de diriger autrement.

De la production comme première vitesse

Etant donné que faciliter l'accès à la nourriture est un devoir d'Etat et que les gestionnaires de la société ne semblent pas savoir comment y arriver, la tendance serait de pencher vers la production agricole pour combattre la faim qui y sévit. La visée étant la prospérité économique dont le déclenchement nécessite l’absorption massive des chômeurs en un temps record, l’approche de la production agricole comme porte d’entrée pour la création massive d’emplois ralentirait le processus. Comme actuellement pratiquée, c’est-à-dire elle n’est aucunement profitable à l'investisseur si elle n'est pas subventionnée. Elle le serait davantage moindre compte tenu des conditions dégradantes du sol, de la mauvaise gestion du territoire, de la non-maitrise de l’eau et de la déficience naturelle de l'agriculture offrant un rendement décroissant.

Si le gouvernement décide de consacrer les ressources de production soit à la relance de l'agriculture ou au maintien pur et simple du secteur d'assemblage pour garantir la prospérité économique, il y aura l'effet contraire qui tiendra davantage le pays dans la misère parce que la machine de production ne sera pas effectivement démarrée. Ce sera fait quand le marché local, comme moteur de tout développement économique, sera propulsé. Initialement, l'accent doit être mis sur la production des biens manufacturés dans un système de production à plusieurs niveaux de transformation capable d'absorber autant de chômeurs possible. Ceux-ci, avec le revenu gagné, auront à consommer ce produit fabriqué dont l'usure exige son renouvellement. Aussi, sera augmentée la demande de produits agricoles au bénéfice des agriculteurs qui peinent actuellement à élever leur niveau de revenu d’une population sans pouvoir d’achat. Autant que la production massive de ces biens y favorise l'accès en terme de disponibilité et de coût d'acquisition, la demande sera soutenue en permanence pour garder en marche la machine de production.

Avec un système de production dédié au marché local, il y a lieu d’envisager une prospérité économique issue de la force productrice locale. Les investisseurs locaux qui, trouvant une garantie de protection de leurs biens et propriétés, et des possibilités de maximiser leurs profits, seraient enclins à conjuguer avec le gouvernement qui les inviterait à embrasser le choix des activités de production. Pour répondre spécifiquement aux besoins de la population, ils utiliseraient le travail de la population active en contrepartie d'un revenu lui permettant de répondre à ses responsabilités. L'expérience accumulée dans le temps, permettrait de maitriser les techniques de faire, d'améliorer la qualité de la production, d'augmenter la production nationale au-delà du seuil de satisfaction de la société afin de s'engager dans l'exportation des biens manufacturés produits et de devenir compétitif sur le marché international.

De l'investissement comme deuxième vitesse

L'investissement comme deuxième vitesse est clé. En effet, il ne suffit pas de lister les activités de production prioritaires s'il n'y a pas d'investisseurs intéressés à risquer leurs fonds dans des activités de production choisies par le gouvernement. Il n'existe pas d’investisseurs bons samaritains. Celui qui accepte d'investir prend un risque. En entrant dans le jeu que pour des profits, il doit indubitablement les maximiser grâce aux avantages offerts. Il n'y prendra aucun risque si son investissement n'est pas protégé et que le retour n'est pas très prometteur. Personne n'acceptera d'investir en Ayiti par pitié. Encore, il est un devoir d'Etat d'inviter des investisseurs à prendre le risque dans des activités de production prônées. En toute bonne conscience, une autorité responsable doit créer des conditions pour attirer les investissements locaux ou étrangers. Face au risque, ces investissements seraient conditionnés par la protection de l’Etat et la maximisation des profits. L’action positive est de garantir la stabilité politique et sociale devant permettre la tenue des activités économiques en toute quiétude.

N’ayant jamais eu un plan directeur pour les activités de production, il est difficile d'attirer un investisseur. En effet, si l'investisseur local refuse de risquer ses fonds dans son propre pays, il est inimaginable qu'un investisseur étranger vienne s'y aventurer avec les siens. Le primordial fait défaut, c'est-à-dire la sécurité de sa personne, et de ses biens et propriétés n'est pas garantie. En outre, le cadre d'activités de production prioritaires n'existe pas. Sans y penser, les pourfendeurs de la relance économique du pays ne jurent que par l'investissement étranger. Leur point de repère est l'investissement dans l'industrie d'assemblage au niveau des zones franches où pullule seulement le maillon d'assemblage du secteur textile auquel l'industrie textile est faussement réduite.

Continuer à se reposer sur l'investissement étranger est une très grande illusion. Beaucoup de ressources sont dépensées pour l'attirer, mais les efforts s’avèrent vains et utopiques. D'où vient l'écart ? Le type d'investissement étranger qui serait profitable à l'économie est l'investissement direct étranger (IDE) comme a fait la Digicel, la compagnie de télécommunication. Un tel investissement implique des engagements durables qui requièrent d'énormes débours dans une activité de production promettant des profits considérables. Aussi, il suppose que le pays hôte ait un niveau de pouvoir d'achat devant permettre à l'investisseur de vite récupérer financièrement et maximiser son profit par la suite.

La nature des activités de production dans le secteur d'assemblage n'incite pas à consentir de tels débours. La zone franche n'est qu'une simple échappatoire permettant aux firmes multinationales d'éviter les coûts de main-d'oeuvre exorbitants et des protections sociales offertes aux travailleurs dans leurs pays d'origine aux fins de rester compétitives sur le marché international. Vu le degré de simplicité de certaines tâches à effectuer dans le processus de production, elles délocalisent le maillon respectif pour profiter de la main-d'oeuvre à bon marché et de rester compétitives sur le marché international. La condition attrayante des IDE dans le secteur d'assemblage est fictive. Il faut cesser de se leurrer en pensant les attirer dans les zones franches à l'instar de ce que fait Digicel dans la télécommunication.

En référence au succès des pays asiatiques qui ont hébergé le secteur d'assemblage, il ne faut pas oublier qu'ils ont mis en place une politique de production axée sur la remontée des filières leur permettant de devenir eux-mêmes producteurs des intrants, ou même des outils de production, au point de les exporter dans le temps. Donc, ils n'étaient pas simplement des pays-assembleurs de produits finis. Avec une forte implication de l'Etat dans le processus de planification de leur développement économique, ils exigeaient le transfert des technologies pour que dans le temps ils arrivent à construire tous les maillons d'une industrie et développer toute la chaîne de l’industrie dans son intégralité, l'industrie textile en l'occurrence. Ce n'est pas le cas pour Ayiti qui, depuis l'introduction du secteur d'assemblage dans les années 70, accuse une complaisance dans ce secteur de faible valeur ajoutée, et qu'on se contente d'identifier à l'industrie textile.

Du pouvoir d'achat comme troisième vitesse

Le pouvoir d'achat comme troisième vitesse du levier de prospérité économique est crucial à la relance économique, parce qu'il est le seul capable d'alimenter la consommation, l'essence même de toutes activités économiques. S'il est clair que l'investissement comme deuxième vitesse du levier de prospérité économique agit sur la force motrice d'une économie, il perd de son régime dans une société où le pouvoir d'achat est presque nul. Sachant que le besoin de consommer exige des investisseurs à produire, il faut le pouvoir d'achat pour rendre effective la consommation dont le défaut n'encourage aucun investisseur à prendre le risque. Le paradoxe est que le pouvoir d'achat dépend de l'investissement.

Ce qui importe le plus maintenant est une politique d'investissement capable de persuader l'investisseur que le pouvoir d'achat qui découlera de son investissement par la création d'emplois sera sa source principale de maximisation de profits. Etant donné que la stratégie de production accordera la priorité au marché local, le choix de l'investisseur porté sur une activité de production prévue permettra l'utilisation des ressources locales et créera des emplois en conséquence. Sachant que le pouvoir d'achat créé sera principalement consacré à la consommation des produits locaux, la politique commerciale accompagnatrice devra protéger la production d'un tel investisseur contre des importations qui amputeraient le profit de l'investisseur. 

Concrètement, les forces d'attraction des IDEs sont la taille du marché et le (potentiel) pouvoir d'achat du pays hôte pour lequel l'investisseur va produire. A défaut de quoi, il n'y aura pas d'investissement direct. Avec une population de près de 11 millions d'habitants, le pays ne représente pas encore un centre d'attraction idéal à l’IDE. Même si le pays se convertit en récepteur de zones franches et bénéficie d’une main-d’œuvre à bon marché, la prospérité économique ne verra pas le jour en absence d’une intégration rectiligne ou verticale des différents maillons de la chaîne de transformation. Cela nécessite de nouvelles stratégies, pour aller au-delà de l’assemblage et garantir l’intégration effective de nouveaux maillons en aval tout au long de la chaîne. Cette considération étant faite, ce secteur peut propulser l’économie par la création de nouveaux emplois. Cela fait du marché de 11 millions un marché relativement large pour soutenir la croissance économique pourvu que la production est principalement tournée vers le marché local.




Jean POINCY
Vice Recteur Académique 
Université d'Etat d'Haïti

Candidat à la Présidence
Haïti 2016

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