Dans
un article montrant comment entamer «...la prospérité économique pour changer
le social en Ayiti », il a été expliqué que l'investissement, la consommation
locale et le pouvoir d'achat sont cruciaux à la relance économique de toute
société (voir Le Nouvelliste du 28 juin 2011). Cependant, tout effort y relatif
peut s'avérer vain en absence d'un plan directeur capable de rationaliser la
relation qui existe entre ces trois éléments considérés comme les vitesses du
levier de prospérité économique. Dans cette perspective, il est juste de
reprendre ici l'essence d'un autre texte intitulé 'La nécessité d'un plan
directeur pour l'économie Ayitienne' (voir Le Matin 24-25 juin 2007). En
attirant l'attention sur l'esprit d'un investisseur qui entend prendre un risque,
et en considérant les conditions de l'économie du pays, la réflexion évoque la
nécessité d'un plan directeur, puis faire état de sa nature avant d'en
esquisser l'ossature.
Le calcul économique de l'investisseur
Le calcul économique de l'investisseur
Le texte avance
que la...nature politico-économique instable qui est chronique, prédatrice et
non favorable à l'investissement, pousse les investisseurs potentiels à trouver
leur refuge financier dans des institutions financières étrangères. De tout
temps, la propriété des uns et des autres n'est jamais respectée soit par le
gouvernement ou par les individus, sans qu'ils puissent avoir recours à une
quelconque entité capable de leur rendre justice. Dans le temps, le
gouvernement les dérobait au lieu de les protéger. Aujourd'hui, il leur fait des
exactions légales par une imposition fiscale à hauteur de 30% sur un actif égal
ou supérieur à 1.250.000.00 gourdes pour engendrer des évasions fiscales et
couper court toute initiative de réinvestissement. Parallèlement, ils encourent
un risque démesuré face aux couches lésées de la population qui souhaitant
s'affirmer dans une société qui les consume à feu doux, le font violemment. Un
entrepreneur accepte tout risque annonciateur de richesse. Cependant, quand la
probabilité de s'appauvrir est plus élevée, il préfère s'y abstenir ou chercher
d'autres opportunités d'enrichissement ailleurs.
Il serait injuste
de demander à un entrepreneur local d'ignorer cet élément fondamental de
l'abécédaire d'entreprendre pour qu'il soit patriote. Il serait tout aussi
incorrect de condamner un entrepreneur qui s'arrange pour protéger d'une
manière ou d'une autre ses millions déjà investis quand l'État a failli à sa
mission première 'd'agent de sécurité' ou de 'veilleur de nuit' en admettant
son impotence face aux exploits violents des bandits. Aucun entrepreneur
rationnel local ou étranger n'accepterait de telles conditions. Il se réfère
aux habitudes et à l'histoire d'un lieu dans son calcul économique pour
déterminer le niveau du risque qu'il accepte d'encourir...Avant de risquer ses
millions, un entrepreneur met du temps pour observer le contexte, constater les
faits et renifler le milieu...
La
nécessité d'un plan directeur ?
Aucun
développement économique ne se réalise sans...un plan directeur pour canaliser
les investisseurs. Si un entrepreneur n'a aucune idée des activités économiques
sur lesquelles le gouvernement souhaite accentuer pour redonner vie à
l'économie, comment va-t-il juger d'un marché qui lui est profitable, surtout
s'il est étranger ?...Sachant que le gouvernement se positionne dans le temps
pour placer sur une échelle de priorité des objectifs relatifs à la réalité du
pays, le terrain devient...rassurant pour maximiser son profit. Dans le cas
contraire, c'est le conduire dans un labyrinthe d'incertitudes. Avant de
courtiser les entrepreneurs, indifféremment de leur origine, il importe de se
mettre dans leur peau pour savoir exactement ce qu'ils chercheraient à obtenir
d'Ayiti.
Il ne faut pas
s'illusionner en pensant qu'ils viendraient juste pour aider le pays. Ce que
Ayiti va leur rapporter demeure la grande question. Il ne s'agit pas seulement
de lister les bénéfices que va tirer Ayiti en terme d'emplois et de production.
Il faut aussi faire ressortir le potentiel de gain mutuel. Cette pratique d'improvisation
économique fait que les individus entreprennent des activités économiques à
leur guise pour une maximisation à outrance sans des retombées positives
réelles sur le reste de la collectivité. C'est la résultante d'un manque de
coordination des activités économiques qui peut porter préjudice aux uns et aux
autres. En faisant abstraction d'un plan stratégique de développement
économique, la reconnaissance simple du rôle vital de l'investissement privé ne
suffit pas pour attirer les investisseurs et attaquer les problèmes
socio-économiques.
Si le pays avait
déjà un ordre privé où les activités économiques reposent sur un certain degré
de coopération régulée par une intervention minimale du gouvernement, l'absence
d'un plan directeur ne ferait pas grand défaut. Comme ce n'est pas le cas,
celui-ci s'avère nécessaire pour relancer l'économie. Sa justesse réside dans
l'identification des secteurs porteurs pour une gestion scientifique des
ressources disponibles. Pendant qu'il présenterait la vision du gouvernement
sur le développement économique du pays, il assurerait un développement
économique durable. Sans être un acteur direct, le gouvernement se réduirait à
une fonction régulatrice et incitatrice du développement économique. Ainsi, il
garantirait la protection du droit de propriété et faciliterait aux privés
toutes les opportunités de gain afin de les inciter à investir et à
s'approprier des activités prévues au niveau du plan directeur.
Partant de l'idée
qu'une économie a besoin d'une forte capacité de production de biens variés, de
création d'emplois, et d'un pouvoir d'achat adéquat pour favoriser une grande
consommation, il est impératif de déterminer les secteurs d'activités ayant un
potentiel de production avec des effets d'entraînement en amont et en aval. De
tels secteurs aussitôt démarrés créent des emplois, font appels à d'autres
secteurs pour leur approvisionnement en intrants. Ceux-ci, à leur tour,
génèrent d'autres emplois à différents niveaux. Les secteurs qui sont capables
de produire cet effet en chaîne sur au moins 5 autres secteurs jouissent de
l'atout d'un secteur porteur. Avec comme support une stratégie de substitution
à l'importation pour produire les biens habituellement importés, le saut vers
l'industrialisation et le développement technologique approprié est très
probable. Ce qui tournerait autour d'une spécialisation des régions pour le
renforcement de l'agriculture, le développement de l'agro-industrie, de la
manufacture, du transport et d'autres services publics et privés favorisant le
développement économique durable du pays.
La
nature d'un plan directeur
Un tel
développement dépend nécessairement du développement du marché local qui à son
tour dépend d'un système de production intégré. Dans le cas d'Ayiti, cette
condition exige une organisation économique...Ce qui requiert une planification
rationnelle des ressources et une structure organique efficiente spécialisant
les dix départements du pays dans une activité respective à chacun. Le choix
des activités doit être fait en terme de priorités et d'objectifs pratiques que
se fixe le gouvernement suivant un calendrier flexible. Sachant qu'il est
impossible de résoudre le social sans le progrès économique, le gouvernement
doit s'arranger pour stimuler des activités privées visant à alimenter la
production du pays. Ce faisant, la création de beaucoup d'emplois avec le
pouvoir d'achat du peuple au rendez-vous lui permettra de déblayer son budget
et pencher davantage sur la mise en place des infrastructures pour mieux
accompagner la nouvelle organisation économique et assister ceux qui sont les
plus inaptes à survivre de par eux-mêmes.
Au temps initial
par exemple, il ne s'agit pas de tout résoudre quand les ressources font
défaut. Sans devoir se consacrer à la mendicité internationale, ni apitoyer les
investisseurs étrangers sur le désespoir du pays, le bond en avant est
possible. Avec les moyens du bord, quelques prêts affectés de manière
appropriée, des sacrifices consentis, et la priorité placée sur les activités
productives génératrices d'emplois, les retombées seront immédiates. La
population active avec un revenu régulier pourra faire face non seulement à ses
propres besoins, mais aussi constituera une source de revenu sûre pour le
gouvernement via les impositions sur le revenu et sur les transactions
économiques entreprises. S'agissait-il du social, il faudrait longtemps pour en
tirer des bénéfices. Ce serait des fonds dépensés sans possibilités immédiates
de revenu privé et public pendant au moins une génération.
Avec l'action
dans le social, la population serait sans emploi et revenu, et croupirait
davantage dans sa misère. En conséquence, le gouvernement avec une source de
revenu maigre ne pourrait plus continuer à promouvoir le social sans faire la
mendicité. Le cercle vicieux de la pauvreté perpétué dans le pays porterait la
population vers la quête de charité auprès des uns et des autres dans le pays
comme moyen de survie, et le gouvernement lui-même se transformerait en une
navette internationale en quête d'assistance comme politique de développement
économique. Loin de vouloir minimiser ou dévaloriser le social, il sera promu
sur l'échelle de priorité par rapport à l'économique dans un autre temps,
suivant que ce dernier nécessite moins d'accompagnement du gouvernement. Ceci
dit, l'économique et le social feront toujours partie de l'agenda du
gouvernement simultanément, mais avec une allocation budgétaire moindre par
rapport à l'autre dans le temps.
L'ossature
d'un plan directeur
Si...le souci du
gouvernement était d'élever la production nationale pour absorber la force du
travail évaluée à près de 3 000 000 d'individus, le pivot d'un plan directeur
aurait pu être la création de 1 000 000 d'emplois sur 4 ans à raison de 250 000
par année. Ce ne serait possible que par la promotion des activités à haute
intensité de main d'oeuvre qui nécessitent un fort degré de transformation sur
différents maillons d'une chaîne industrielle. Vu que le marché local serait le
point focal, la politique de production viserait à faire renaître les
industries locales dont les biens-cibles seraient ceux qui sont renouvelables
et que la population indistinctement en a besoin. Dans ce cas, la stratégie
industrielle la mieux appropriée est la substitution à l'importation. Ainsi, le
pays cesserait d'importer ces biens pour les fabriquer dans le pays. Lors, le
processus ferait appel à un nombre incalculable de travailleurs.
Dans une telle
perspective, les industries textile et de chaussure peuvent être envisagées
pour un départ. L'industrie textile à elle seule pourrait former une chaîne de
cinq maillons au moins qui sont la production du coton au niveau de
l'agriculture, la transformation du coton en fil, celle du fil en tissu et
celle du tissu en vêtement. De la préparation du coton pour la filature,
dériverait une industrie de huilerie grâce à la transformation des graines de
coton. De son côté, l'industrie de chaussures impliquerait l'élevage des
animaux dont les peaux acheminées vers la maroquinerie seraient transformées
par la suite en chaussure et en une variété de produits en cuir. Parallèlement,
de l'élevage découlerait automatiquement une laiterie pour traiter le lait et
produire des biens dérivés, et l'industrie de la viande. Ces deux industries
sont signalées en raison de leur potentiel de dynamiser le secteur primaire et
de propulser d'autres secteurs dans la production de biens locaux pour la
consommation locale.
Ayant identifié
les secteurs d'activités porteurs avec une forte capacité de génération
d'emplois via les effets d'entraînement en amont et en aval, il faut faire une
évaluation de l'espace géographique du pays pour déterminer l'atout physique de
chaque département comme lieu d'accueil tout en évitant la redondance
d'activités. Un département sera ainsi dédié à un secteur d'activités porteur
si les conditions physiques sont favorables au développement simultané du
secteur en question et du département. Donc, à chaque département il faut un
axe d'activités ; ce qui sous-entend la spécialisation de chaque département
suivant sa capacité de rendement. Cela ne veut pas dire pourtant que les
activités d'un axe ne peuvent pas être entreprises ailleurs dans un coin d'un
autre département. Si c'est le cas, ce ne sera pas avec la même ampleur que
dans le département hôte.
Avec une telle
organisation économique, il reste au gouvernement de faire la promotion de sa
vision et de comment il souhaite la mettre en oeuvre. Reconnaissant le fait
qu'il n'est pas un acteur direct, il inviterait le secteur privé à s'y engager
et déterminer le département et l'axe d'activités qui l'intéressent le plus ou
qui peuvent lui permettre de maximiser son profit. Contrairement à la politique
fiscale actuelle qui tue la formation de capital pour le réinvestissement, les
incitations à mettre en oeuvre seraient celles qui...permettraient...aux
investisseurs de s'enrichir. Aussi, le gouvernement devrait démontrer sa
volonté de jouer sa fonction d'agent de sécurité pour protéger les gains et
propriétés de chacun.
Jean POINCY
caineve@yahoo.fr
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