Qui n'a pas eu la chance de
fréquenter le local de l'une des facultés de l'Université d'Etat d'Haïti ne
pourra rien comprendre à l'avenir cauchemardesque que silencieusement nous
préparons à ce pays depuis plus de vingt ans. Qui n'a pas pénétré le périmètre
- on ne peut plus parler de local depuis le séisme du 12 janvier pour la
majorité des établissements - ne pourra pas comprendre pourquoi nous ne nous
sortirons pas du labyrinthe des fausses solutions.
Qui n'a jamais eu une
conversation avec un étudiant d'une des universités ou écoles supérieures
privées du pays ne saura jamais que le projet de société qu'accouchent ces
institutions ne cadre ni avec nos besoins ni avec nos problèmes. Dans le
meilleur des cas, nous formons mal. Dans tous les cas, le diplômé ou celui qui
est simplement passé par un de nos centres de formation publics ou privés n'a
comme souhait que de partir loin d'ici. Les exceptions confirmant la règle.
Depuis la chute des Duvalier,
combien de présidents ou de ministres, combien de cadres du secteur privé ou de
la classe politique ont mis les pieds dans une de nos universités pour aller
humer l'air de ces incubateurs d'idées ou d'utopies nouvelles ? Qui y a
prononcé une allocution, pris le temps de se soumettre aux questions ou aux
interrogations qui ne manqueraient pas de fuser sur son passage ?
Peu, très peu, très très très
peu de responsables ont tenté le coup. Peur d'être désarçonné, houspillé,
lynché? Conviction que cela ne servirait à rien ? On ne saura pas. Ceux qui ont
réfléchi à la question doivent avoir honte des raisons qui fondent leur
crainte. A contrario, qui de l'université, de la grande famille universitaire,
est sorti de son cocon pour aller questionner la société, affronter la réalité,
demander ou proposer autre chose que le bruit et la fureur d'une de ces
manifestions qui ont établi la mauvaise réputation des étudiants de
l'université?
Qui sont aujourd'hui les
grands professeurs, les sommités, les incontournables voix qui guident, les
lumières dont il faut rechercher la compagnie dans les rangs de nos enseignants
? D'un côté, les gentils qui ne contestent rien, qui payent mensualité sur
mensualité, avec la hâte de sortir du système, de l'autre, ceux qui jouissent
d'un semblant de gratuité qui ne garantit que la précarité. Voilà notre petit
monde universitaire.
Les cerveaux qui doivent
accoucher l'Haïti de demain sont en piteux état. Ceux qui les préparent, le
cadre physique et les curricula aussi. Si la pauvreté, la misère et l'indigence
recouvrent nos rêves ce n'est pas par hasard. La grande bataille de
l'université au départ de Jean-Claude Duvalier a été de réclamer l'autonomie.
Elle l'a. Et elle est belle l'autonomie. Elle assure les mandats de mal gérer.
Elle fonde l'indifférence de l'Etat pour l'université publique. Elle a fait
fleurir le secteur privé de l'enseignement supérieur et surtout elle nous donne
toute latitude de rester embourbé. Il faut que l'université se réveille. Pas
pour gueuler. Pour simplement réfléchir à son triste sort.
Frantz Duval
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