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FÒK SA CHANJE

samedi 10 décembre 2011

L'université et son triste sort


Qui n'a pas eu la chance de fréquenter le local de l'une des facultés de l'Université d'Etat d'Haïti ne pourra rien comprendre à l'avenir cauchemardesque que silencieusement nous préparons à ce pays depuis plus de vingt ans. Qui n'a pas pénétré le périmètre - on ne peut plus parler de local depuis le séisme du 12 janvier pour la majorité des établissements - ne pourra pas comprendre pourquoi nous ne nous sortirons pas du labyrinthe des fausses solutions.

Qui n'a jamais eu une conversation avec un étudiant d'une des universités ou écoles supérieures privées du pays ne saura jamais que le projet de société qu'accouchent ces institutions ne cadre ni avec nos besoins ni avec nos problèmes. Dans le meilleur des cas, nous formons mal. Dans tous les cas, le diplômé ou celui qui est simplement passé par un de nos centres de formation publics ou privés n'a comme souhait que de partir loin d'ici. Les exceptions confirmant la règle.

Depuis la chute des Duvalier, combien de présidents ou de ministres, combien de cadres du secteur privé ou de la classe politique ont mis les pieds dans une de nos universités pour aller humer l'air de ces incubateurs d'idées ou d'utopies nouvelles ? Qui y a prononcé une allocution, pris le temps de se soumettre aux questions ou aux interrogations qui ne manqueraient pas de fuser sur son passage ?   

Peu, très peu, très très très peu de responsables ont tenté le coup. Peur d'être désarçonné, houspillé, lynché? Conviction que cela ne servirait à rien ? On ne saura pas. Ceux qui ont réfléchi à la question doivent avoir honte des raisons qui fondent leur crainte. A contrario, qui de l'université, de la grande famille universitaire, est sorti de son cocon pour aller questionner la société, affronter la réalité, demander ou proposer autre chose que le bruit et la fureur d'une de ces manifestions qui ont établi la mauvaise réputation des étudiants de l'université?

Qui sont aujourd'hui les grands professeurs, les sommités, les incontournables voix qui guident, les lumières dont il faut rechercher la compagnie dans les rangs de nos enseignants ? D'un côté, les gentils qui ne contestent rien, qui payent mensualité sur mensualité, avec la hâte de sortir du système, de l'autre, ceux qui jouissent d'un semblant de gratuité qui ne garantit que la précarité. Voilà notre petit monde universitaire.

Les cerveaux qui doivent accoucher l'Haïti de demain sont en piteux état. Ceux qui les préparent, le cadre physique et les curricula aussi. Si la pauvreté, la misère et l'indigence recouvrent nos rêves ce n'est pas par hasard. La grande bataille de l'université au départ de Jean-Claude Duvalier a été de réclamer l'autonomie. Elle l'a. Et elle est belle l'autonomie. Elle assure les mandats de mal gérer. Elle fonde l'indifférence de l'Etat pour l'université publique. Elle a fait fleurir le secteur privé de l'enseignement supérieur et surtout elle nous donne toute latitude de rester embourbé. Il faut que l'université se réveille. Pas pour gueuler. Pour simplement réfléchir à son triste sort.

Frantz Duval

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