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FÒK SA CHANJE

mercredi 22 décembre 2010

Autour des élections en Ayiti : le procès des débats présidentiels


Haïti: Les élections à la magistrature suprême dans toute société annoncent toujours l'espoir de meilleures conditions de vie. Qu'il s'agisse de continuité ou de changement, la réalisation du bien-être individuel et collectif en est le dénominateur commun. Cela est alimenté par des propositions d'une vision de part et d'autre accompagnée d'un plan d'actions. Tout électeur choisit un candidat qui semble rencontrer ses valeurs et promet de combler ses attentes mieux que tout autre concurrent. De toute évidence, l'élu est celui sur qui la majorité de la population s'appuie en vertu d'un programme proposé qui tient compte du contexte qu'elle vit. Est-ce le cas pour Ayiti où les conditions de vie dépendent principalement de l'économique, le déclencheur d'une meilleure société ? Si oui, les prétendants devraient tailler leur programme sur un patron dessinant les contours du progrès économique au cours de son quinquennat avec des stratégies pratiques porteuses de bénéfices dans le court terme, mais davantage dans le moyen et le long terme. Ce texte porte un regard sur les débats électoraux en cours pour :
1) Souligner leurs faiblesses ;
2) Faire une plaidoirie pour les rendre sensés ;
3) Encourager les confrontations d'idées ;
4) Esquisser le profil d'une nouvelle tendance électorale.

1 : Faiblesses des débats électoraux
A quelques semaines près de la date retenue pour les élections, les candidats ne sont toujours pas en harmonie avec les électeurs qui pataugent encore dans l'incertitude. A suivre les présentations isolées d'un candidat ou les débats déséquilibrés mettant en face trois candidats qui ne sont pas de réels concurrents, l'atmosphère électorale reste bien plus sombre et n'incite pas l'électorat à se rendre aux urnes. S'ils y vont, au moins les plus avisés, ce sera pour sanctionner tous les candidats par un vote blanc. Les médias, directeurs d'opinion, sont autant coupables que les candidats qui ne présentent rien au peuple pour une réflexion sur les perspectives de son existence.
La structure pompeuse des débats ne ramène pas les candidats à montrer techniquement comment ils vont concrétiser les idées vagues qu'ils évoquent. Pour eux, il suffit de lister le contenu du menu de leurs programmes avec un beau discours pour se tirer d'affaires. Préoccupés par tous les problèmes du pays, les interrogateurs abordent de grands sujets qui ne touchent aucunement la vraie cause du contexte actuel que vivent les électeurs. S'ils le font, c'est par ricochet via les mauvaises conditions de vie attribuées au séisme. Il est vrai qu'il faut reconstruire la capitale ou reloger la population des tentes, mais pourquoi désaccentuer l'économique qui sous-tend ces conditions? Si, par défaut, le séisme devient le coupable, l'économique demeure la principale cause de cette misère.
Les médias qui organisent les débats devraient en faire un levier capable de guider les candidats vers des idées porteuses de solutions concrètes. Ne dévalorisant pas les autres sujets qui posent un problème de taille, et considérant que l'essence des élections pivote autour d'un contexte marquant la vie d'une collectivité, le point focal des questions aurait dû être tout ce qui est économique pour aider le pays à voir le bout du tunnel. Y omettre l'accent offre aux candidats le luxe de soustraire toute explication technique de leurs propositions de changement.
2 : Pour des débats sensés
Il ne suffit pas d'énumérer l'agriculture, le tourisme, la construction de routes pour justifier un programme qui entend aborder l'économique. Faisant de ces trois items des piliers du progrès économique ou des sources de création d'emplois est loin d'être satisfaisant. Il conviendrait de démontrer la capacité de chacun d'eux à le faire sur la courbe du temps selon les stratégies développées, et comment ils sont liés ou se supportent dans le cadre logique de l'exécution du plan d'actions. Si le peuple a faim, il ne faut pas croire que la relance de l'agriculture vivrière est la porte de sortie. Etant une partie, elle ne résume pas le secteur primaire, et ne présente pas non plus une forte capacité de création d'emplois.
S'agit-il encore de renforcer ou perpétuer l'économie de subsistance en accompagnant les agriculteurs toujours pour l'entretien d'une économie extravertie, il faut l'élaborer et montrer comment cette stratégie va sortir le pays du marasme économique. Faire partie d'une île avec une température agréable sur les plages ne justifie pas la vocation touristique attribuée à Ayiti. Non plus, les régions du pays, qui ne sont pas rationnellement ou adéquatement connectées, et les routes existantes défoncées ne font pas de la construction de route une priorité. Un débat réel impliquant l'apport d'un expert dans le domaine comme interrogateur porterait les candidats à montrer le lien structurel qui existe entre les actions à entreprendre pour faire face aux différentes réalités, mais avec comme constante les bénéfices individuels et collectifs.
Il est sûr qu'un candidat-concurrent ou un interrogateur identifierait les failles de l'agriculture. Ainsi, il montrerait que comme activité saisonnière dépendant de l'extérieur, le tourisme est aléatoire et ne devrait pas être une priorité sur l'échelle d'un programme surtout quand une période sociopolitique ne lui est pas favorable. L'idée de construire des routes en absence d'intenses activités économiques serait objectivement abordée pour faire valoir la condition d'interdépendance économique des régions. En conséquence, les candidats rectifieraient leurs perceptions des conditions économiques pour élever le niveau des élections ouvertes aujourd'hui à quiconque.
3 : Pour une confrontation d'idées
Il est regrettable que les candidats à la magistrature suprême se livrent à des spots publicitaires carnavalesques demandant au peuple de les choisir sans leur donner une raison valable. N'étant point au moment pour distraire le peuple par un tube entraînant, il serait approprié de déclencher une confrontation d'idées pour techniquement montrer la faisabilité du programme politique qui accompagne leur vision de société. Contrairement, les moyens mis en oeuvre pour toucher les différentes catégories des électeurs laissent à désirer. La teneur des débats télévisés, bien que faits dans la langue maternelle, n'atteint pas l'intelligence des gens avisés. Préjugeant la masse des électeurs non avisés, seule leur sensibilité hédoniste importe et non leur jugement. Ce n'est pas en faisant usage de la langue ayitienne qu'on se pare contre tout procès d'exclusion. Aussi complexes que puissent être certaines idées, un pauvre d'esprit peut y avoir accès si un candidat se donne la peine de les lui diluer et les médias obligent ce dernier à le faire.
Reconnaissant le poids de l'économique dans toute perspective de changement, refaire de la création d'emplois et de richesse le sujet pivot des débats apporterait une plus grande valeur au processus. Prenant, par exemple, les activités d'assemblage par lesquelles jurait tout le monde, et qui pour certains aujourd'hui ont un potentiel de création de 400 000 emplois sous peu, le sujet peut être repris au cours des débats pour mieux savoir comment le prochain gouvernement va l'intégrer dans son plan d'actions. En effet, tous ceux qui s'intéressent à l'économie ayitienne y voient une porte de salut. En 2009, le professeur Paul Collier sous l'auspice des Nations unies en faisait une litanie dont les refrains sont repris en choeur par les intéressés. Si la logique est la résorption du chômage, il faut placer l'économique au centre des débats électoraux. Le faire conduirait à présenter d'autres alternatives beaucoup plus payantes et profiter de l'abondance de main-d'oeuvre à bon marché dans le pays.
4 : Les contours d'une nouvelle tendance
Renverser la tendance inviterait les candidats à porter un regard sur l'économique afin d'inciter l'affluence vers les urnes et convertir leurs potentiels votes blancs en leur faveur. Différentes propositions sensées seraient présentées et leur faisabilité démontrée. Les exigences seraient plus rigoureuses en termes d'une démonstration technique. Se trouvant en pure concurrence, les candidats prendraient conscience de leur habilité. Certains seraient portés à bien réfléchir pour évaluer la justesse de leur participation dans une telle course, décider de s'y retirer ou de ne plus s'y présenter une prochaine fois. Ce serait rendu comme une interdiction naturelle à quiconque de se porter candidat à la présidence ou au parlement juste à cause d'un statut de citoyen qui ne répond qu'aux critères d'inscription et d'acceptation. Dans cet ordre d'idée, les médias doivent donner le ton. Pour cela, ne nécessitent-elles pas l'accompagnement du monde universitaire pratiquement toujours absent du processus ? Une touche académique y serait portée afin d'étoffer le débat tout en gardant un niveau accessible à tous.
Jean Poincy

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