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FÒK SA CHANJE

mercredi 22 décembre 2010

Autour des élections du 28 novembre 2010 : L'homo economicus chez Martelly et Manigat


Haïti: Les élections du 28 novembre 2010 sont inédites dans les annales politiques du pays, non pas parce qu'elles sont décriées dès la mise en branle de la machine électorale, ni par les irrégularités qui s'ensuivent le jour du scrutin, mais plutôt par le comportement des candidats en lice pendant et au lendemain du déroulement des élections. En effet, l'action spontanée des 12 candidats demandant l'annulation des élections déclenche une tournure qu'aucun acteur impliqué ne saurait prédire et qui rend davantage incertains les résultats des joutes électorales. Le texte fait une interprétation économique du comportement des candidats et du Conseil électoral provisoire (CEP) en faisant référence à :
1-      La définition de l'homo economicus qui dit que l'individu est égoïste et rationnel, mais sa rationalité est limitée par le fait qu'il ne maîtrise pas tous les paramètres pour prédire avec certitude les conséquences d'une action posée ou la réaction de celui avec qui il traite d'une chose.
2-      L'illustration classique de la théorie des jeux qui est le dilemme de prisonnier, où en absence de coopération et face à l'incertitude, l'homo economicus a un comportement maximisateur indifféremment des conséquences de son action sur celui avec qui il interagit.
En cours, le contexte donnant lieu aux événements sera esquissé, suivi d'une description du comportement imprévisible des parties prenantes et de l'interprétation du comportement de Michel Joseph Martelly et de Mirlande Manigat.
Le contexte
En dépit de graves accusations portées contre le CEP pour son penchant en faveur de la plateforme INITE, de diverses manifestions réclamant son départ et le report des élections, et de l'abstention de différents partis politiques pour invalider le processus, les élections ont quand même lieu avec une participation très représentative des candidats qui, regrettablement pour certains, disent oui au processus contre leur gré. Toutefois, la période est dominée par une méfiance qui rend suspecte toute action ou mesure envisagée par le CEP que tout le monde croit être au service de INITE. Il n'est pas étonnant de voir 12 des 17 candidats qui tiennent encore la route élèvent la voix pour protester contre les irrégularités qualifiées d'intentionnelles pour donner les élections au candidat présidentiel de INITE dès le premier tour. Tout s'est soldé par un tohu-bohu où le collectif des 12 exige solennellement l'annulation des élections.
L'imprévisible comportement rationnel du collectif des 12 et du CEP
Etant égoïste et rationnel, mais limité dans sa capacité de prévoir ou de contrôler l'impondérable, tout individu emparé d'incertitude sur la maximisation de ses avantages réagi pour faire pencher la balance en sa faveur. Dans cet état d'esprit, la demande du collectif des 12 est rationnelle qu'elle soit juste ou injuste envers ceux qui ont voté. Comme le CEP ne leur inspire aucune confiance et toutes irrégularités mineures ou majeures amplifient leur incertitude, leur seule défense est de s'allier pour constituer une force et réclamer l'annulation des élections sans pouvoir prouver que les irrégularités étaient intentionnelles au profit de Jude Celestin, ni savoir si le CEP allait satisfaire leur demande.
Les possibles conséquences qu'aucun du groupe n'avait la capacité de déterminer à coup sûr à cause de leur rationalité limitée sont l'annulation des élections, la position ferme du CEP de poursuivre les élections comme planifiées, vu les coûts déjà encaissés, et la possibilité d'un deuxième tour. Si ces variables composaient le calcul du collectif des 12, il leur était impossible de prédire le comportement du CEP. Ce qui est sûr pourtant et qui échappait à leur entendement est que contrairement à l'assomption faite que, les élections seraient données dès le 1er tour à Jude Celestin, il y aurait un deuxième tour. Même le CEP ne saurait l'envisager si son intention était de tout donner à Jude. Indépendamment de la volonté de quiconque, l'action collective des 12 a porté fruit en forçant la main au CEP à permettre un deuxième tour si réellement il n'en prévoyait pas un.
Considérant que le CEP voulait tout donner à Jude Celestin et garder une ferme position pour poursuivre les élections comme planifiées, il lui serait désavantageux d'être rigide, parce que le collectif des 12 a crié fort et les irrégularités trop palpables. En effet, en réagissant à la demande publique du collectif des 12, le CEP, bon gré mal gré, laisse entendre une possibilité de deuxième tour pour atténuer la tension qui monte et faire dissiper la crainte que Jude Celestin raflerait tout dès le premier tour. Devenant une constance avec une date retenue, le deuxième tour a changé la nature de l'équation politique qui augmente la chance d'un ou deux membres à participer au deuxième tour.
A la lumière de l'égoïsme et de la rationalité limitée individuelle  
En conséquence, il serait absurde d'espérer une quelconque solidarité au sein des 12. En référence aux caractéristiques égoïste et rationnelle de l'individu qui tente toujours de maximiser ses avantages, il est compréhensible que les candidats, avec une plus grande popularité ; soient les mieux placés à participer au deuxième tour avec une chance égale d'être le prochain président de la République. Quoi de plus rationnel que de se détacher du collectif pour faire cavalier seul. Cela explique le comportement de Michel Joseph Martelly et de Mirlande Manigat qui se croient les heureux élus pour un deuxième tour, et celui du collectif réduit à 10 qui, joints après par deux autres candidats, ayant moins de chance que les deux premiers, restent soudés, manifestent leur déception et désarroi, et réclament encore l'annulation des élections pendant que le dépouillement va bon train.
Autant qu'ils puissent être critiqués, en l'occurrence Martelly et Manigat, leur comportement spontané est égoïste et rationnel, d'une part parce qu'ils souhaitent participer au deuxième tour et d'autre part parce qu'ils ne sont pas sûrs que tous les candidats allaient rester solidaires à l'annulation des élections, après que le CEP conjecturait la possibilité d'un deuxième tour.
Logiquement, chaque candidat a une chance d'y participer et, pour maximiser ses avantages, il devrait divorcer du collectif. Vu que cette chance qui n'est égale que pour Martelly et Manigat est plus grande que celle du reste du collectif, ils sont les premiers à se séparer du collectif qu'ils ont composé la veille.
Le manque d'éthique évoqué par la communauté et les raisons qu'ils donnent pour justifier leur comportement bien que bancales importent peu parce qu'il n'est point question de moralité à ce tournant, mais plutôt du comportement de l'homo economicus avec une rationalité limitée qui imprègne le politicien. Toute moralité est dépourvue de sens pourvu que leur comportement n'engendre aucune externalité négative sur le reste de la collectivité. S'agissant d'un ou de deux autres candidats du collectif avec une meilleure position que le reste, leur comportement serait le même que celui de Martelly et de Manigat.
A la lumière du dilemme du prisonnier
Pour mieux assimiler cette interprétation économique du déroulement inédit des élections, il convient d'évoquer l'exemple classique de la théorie des jeux qui est le dilemme de prisonnier où deux individus ont commis de concert un crime. Ils sont appréhendés et mis en prison dans différentes cellules. Appelés à l'interrogatoire, séparément ils sont informés des peines de prison à subir suivant qu'ils confessent ou se taisent. Ils n'ont pas eu la chance de se communiquer pour planifier une stratégie de défense commune. Il y a trois scénarios :
1 : Si l'un confesse et l'autre se tait, celui qui confesse sera immédiatement libéré et l'autre qui se tait écopera 20 ans de prison.
2 : Si les deux confessent, ils auront chacun 5 ans de prison.
3 : Si les deux se taisent, ils passeront chacun seulement un an en prison.
Etant égoïstes et rationnels, les deux prisonniers sont obligés d'agir de manière à maximiser leur avantage. Toutefois, leur rationalité limitée fait planer chez chacun d'eux l'incertitude. Le plus naturel serait de se taire, parce qu'il s'agit de passer seulement 1 an en prison, mais n'ayant eu aucune communication entre eux, aucun d'entre eux n'a aucune connaissance de ce que l'un ou l'autre choisirait de faire. Dans ce cas, se taire signifierait une condamnation de 20 ans de prison si l'autre confesse. Cette crainte mutuelle conduit nécessairement vers la confession des deux qui leur vaudrait 5 ans de prison chacun. Tel est un comportement rationnel et maximisateur, parce qu'aucun n'aurait souhaité passer 20 ans en prison. Par contre, ce serait différent si les deux pouvaient entrer en communication et passer un accord pour se taire. Il suffirait alors d'un minimum de coopération pour obtenir l'avantage mutuel de passer seulement un an prison.
Réfléchissant sur les élections du 28 novembre, il est possible d'assimiler le comportement de Martelly et de Manigat à celui des deux prisonniers. Ne sachant pas que Martelly ou Manigat allait être solidaire du collectif des 12 considérant leur avance dans les urnes, les deux simultanément s'y sont vite détachés. Si Martelly, malgré sa forte position, décidait d'être solidaire avec le collectif après l'insinuation du CEP d'un deuxième tour, une position contraire à Manigat aussi avec une forte position, il raterait sa chance de participer au deuxième tour, donc la chance d'être élu président. Il en serait de même pour Manigat solidaire du collectif si Martelly décidait de quitter le collectif. Donc la méconnaissance du comportement de l'un ou de l'autre conditionne le comportement des deux candidats les plus en vue pour un deuxième tour, avec le candidat déclaré favori du CEP. Cela laisse supposer qu'il suffisait d'un coup de fil soit à Martelly de Manigat et vice-versa pour passer un accord de solidarité continue avec le collectif des 12. Ce minimum de coopération pour faire échouer les élections n'est même pas plausible vu l'enjeu d'être élu le nouveau président de la République. Aucun des deux n'accepterait de rater ce qui pourrait être la seule et toute dernière opportunité.

Jean Poincy

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