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FÒK SA CHANJE

mardi 18 mai 2010

La problématique de l’enseignement supérieur Ayitien : les maux académiques de l’Université d’Etat d’Haïti


L’Université d’Etat d’Haïti (UEH) fait face à un flux d’aspirants universitaires inadéquatement préparés par les cycles primaire et secondaire. Comme le système éducatif Ayitien en est responsable, c’est un handicap contraignant qu’il faut impérativement réparer, au lieu de se plaindre en cherchant un bouc émissaire. L’affronter met à l’épreuve l’UEH, mais malheureusement, elle dévoile toujours l’inefficience et la caducité de son système d’enseignement. Là où il nécessite une stratégie appropriée de recrutement et d’amélioration des pratiques pédagogiques sans compromettre la durée normale du premier cycle universitaire, l’université persiste dans un processus d’admission qui n’est plus de mise aujourd’hui, et dans un régime académique annuel inadapté qui retarde les étudiants dans leur parcours universitaire. Pour appréhender ce problème qui lui pose un défi majeur, il importe de :
  1. signaler que le concours d’admission ne répond plus aux attentes des responsables ;
  2. démontrer que les pratiques pédagogiques sont désuètes ;
  3. mettre en évidence l’irrationalité de la gestion académique actuelle ;
  4. faire comprendre que le mémoire de sortie constitue un obstacle à l’avancement des étudiants.
En cours, sont présentés brièvement quelques remèdes pour montrer comment l’UEH peut de manière simple se refaire une place dans le monde universitaire dans moins d’une décennie.

I : De l’échec du concours d’admission à l’UEH

Jusqu’à présent, le seul recours de l’UEH est la tentative de recueillir la crème de la population estudiantine par un concours d’admission. Un processus douteux dont la qualité et le sérieux sont entachés d’irrégularités au niveau d’un nombre considérable de facultés. En conséquence, les résultats escomptés ne sont jamais au rendez-vous. Les moins bons y accèdent en plus grand nombre pendant que les meilleurs quittent le pays pour trouver ailleurs une meilleure formation que ce que l’UEH et ses pairs peuvent offrir. En outre, l’UEH s’accroche à un système académique et administratif qui défie toute logique académique. Ne tenant pas compte des failles des nouveaux universitaires et n’ayant pas un mécanisme de correction, elle érige une barrière obstruant le développement de leur potentiel académique.

Dès l’année préparatoire qui apporte un enseignement inapproprié, le système expulse certains admis en fin de période pour déclencher un gaspillage de ressources. Comment rationnellement admettre un étudiant pour l’exclure du système au bout d’un an après avoir alloué beaucoup de ressources à sa formation ? Une telle mesure serait justifiée, si et seulement si la compétitivité académique était un critère de réussite à l’UEH ; mais ce n’est pas le cas. Ce même étudiant est permis de réintégrer le système par le concours d’admission avec tout le risque d’être renvoyé à nouveau si la chance ne lui sourit pas. En outre, cette année cruciale à la réussite universitaire est faussement consacrée à l’introduction de certains cours, alors qu’elle devrait être dédiée à inculquer aux étudiants de solides techniques d’apprentissage, d’accumulation et de traitement de connaissances, et de communication. A défaut de quoi, ceux qui y survivent traînent derrière eux des lacunes qui réduisent leur chance de poursuivre des études post-graduées.

Remède I

L’admission à l’UEH peut se faire sur dossier accompagné d’une évaluation standard attribuée aux réussis du cycle secondaire, et sur des critères de sélection établis par l’UEH. L’évaluation standard peut être conçue annuellement par l’UEH dans un premier temps ou par l’ensemble des universités du pays éventuellement. Les avantages de ce système seraient : 1) une plus forte chance de retenir les meilleurs candidats ; 2) l’élimination de l’année préparatoire au profit d’un système de crédit propre au pays ; 3) l’opportunité pour chaque étudiant admis de se prouver sur un temps plus long ; 4) l’incitation à la compétition académique ; et 5) moins de gaspillage de ressources.

II : Des pratiques pédagogiques désuètes

Dans la majorité des facultés, les cours dispensés s’étalent sur toute l’année académique, et s’accompagnent de quelques rares devoirs et évaluations pour marquer le laxisme et l’absentéisme de certains professeurs. Ce qui ralentit le processus d’apprentissage et d’accumulation de connaissances. On croit le compenser par un nombre de cours allant de six à dix sur une même période. A cette déficience, s’ajoutent l’inexistence de supports didactiques et le manque d’évaluations appropriées. Les notes de cours dictées par les professeurs sont utilisées comme le seul outil de référence ou de travail, et la récitation mot par mot se substitue à une épreuve de compréhension ou d’analyse. Contrairement, la prescription de la méthode moderne d’enseignement donne préférence à l’usage d’un manuel de cours à suivre simultanément par les professeurs et étudiants, et à des exercices capables de faire ressortir l’apport personnel des étudiants.

Dans ce cas, il y a lieu de questionner la qualité de la formation, quand on sait que le rôle des professeurs est de guider les étudiants vers des connaissances spécifiques à acquérir, et de les évaluer sur ce qui est vu et discuté en classe. Reconnaissant l’importance d’un support didactique dans un cours et au lieu d’exiger des étudiants l’utilisation d’un manuel de cours, certains professeurs ajoutent aux dictées de notes une liste bibliographique dont la majorité des ouvrages sont introuvables. Déjà que les bibliothèques existantes sont très pauvres, les étudiants, qui n’ont jamais acquis les techniques d’apprentissage et d’accumulation de connaissances, s’égarent avec une telle liste sur les grands boulevards de la connaissance.

Remède II

Il faut des principes académiques standard qui exigent l’utilisation des manuels de cours et des travaux réguliers relatifs à un thème vu, et définissent la responsabilité des professeurs et celle des étudiants. Ils seront accompagnés d’un système d’organisation et de suivi des activités académiques des deux côtés. Les avantages à tirer sont : 1) la mise à jour des connaissances et une meilleure préparation des cours par les professeurs ; 2) l’institutionnalisation du régime de professeur à temps plein ; 3) la réduction de l’effectif d’une classe à 30 ou 40 pour un départ ; 4) l’acquisition d’une certaine capacité d’apprentissage ; 5) l’autonomie nécessaire à la quête de connaissances ; et 6) l’augmentation du stock de connaissances au cours d’une période relativement courte.

III : D’une gestion académique irrationnelle

Structurellement, les facultés s’isolent l’une de l’autre et de l’unité administrative centrale (UAC) qui est le rectorat. Hormis une ou deux facultés qui ont procédé au renouvellement de leur système, l’UEH dans son ensemble n’a jamais connu une révision uniforme de son mode de fonctionnement. Si l’université est l’entité qui chapeaute toutes les facultés, il devrait exister des procédures uniformes que chaque faculté embrasse et reflète en dépit de leur différence relative au domaine étudié. L’inexistence de telles procédures pousse chaque faculté à formuler son propre régime pour se croire une université dans l’université. Une décision du rectorat est prise en compte par une faculté que quand elle lui est favorable ; dans le cas contraire, elle n’a aucune valeur. Le seul moment où il semble avoir un brin de cohésion est au niveau des allocations budgétaires ou quand il faut résoudre une crise académique au sein d’une faculté.

Une faculté fonctionne en parfaite autonomie du rectorat, ce que l’admission annuelle illustre bien. Etant organisée par une faculté plutôt que par l’UAC, elle crée une situation qui permet à un étudiant de fréquenter deux facultés simultanément (malgré la prise en charge récente de l’inscription par l’UAC pour toutes les facultés, les tares du processus y restent calquées, et tout retourne à la case départ parce que les concours sont administrés par les facultés). Un tel fonctionnement ne fait que réduire la capacité académique d’un étudiant au lieu de l’améliorer. Celui-ci se trouve écartelé par des horaires et des cours similaires.

Face à une situation conflictuelle contre laquelle, il n’existe aucune stratégie d’allocation efficiente de temps pour y remédier. Il ne fait que négliger ou sécher certains cours au profit d’un autre à une faculté différente ; ou même rater un examen, si par malheur les heures d’examens se coïncident pour les facultés. Aussi avec une charge académique allant jusqu’à 16 cours pour deux facultés pendant une période donnée, l’étudiant confronte le phénomène de redondance des cours et expose une incapacité intellectuelle d’assimiler les connaissances véhiculées. Donc, il lui est quasiment impossible d’exceller dans un domaine ou dans un autre, même s’il a le potentiel.

Ce fonctionnement irrationnel pose un autre problème de gestion et de confiance académiques qui règne au sein de l’UEH. Pendant que la nature du système porte les étudiants à joindre deux facultés, soit pour accumuler leur stock de connaissances ou élargir leur capacité intellectuelle, les facultés se soucient peu du fait qu’un étudiant ait déjà eu un cours dans une autre faculté et qui est listé dans son programme. Le cas où elle crédite ce cours enseigné à une autre faculté, elle le fait à une valeur minimale de 60 ou 65 comme note, même si la note initiale est 90 ou 100. En outre, un étudiant qui est intéressé à suivre un cours dans un domaine autre que celui choisi, il doit être inscrit à la dite faculté où le cours est offert.

L’aberration est que dans une même université, une note finale n’a pas la même valeur pour toutes ses composantes. Ce serait compréhensible s’il s’agissait d’une autre université. Le résultat est souvent regrettable : la majorité ne peut pas tenir le coup et laisse tomber une faculté. Ceux, qui persistent, accumulent plusieurs licences avec une performance qui laisse à désirer, et passent beaucoup plus de temps que requis pour obtenir un diplôme. Rares sont ceux qui arrivent à exceller en même temps au niveau des deux facultés. S’ils excellent, c’est au détriment d’une autre faculté. Ce mode de fonctionnement ne fait qu’accentuer le gaspillage de ressources.

Un autre inconvénient relatif à la gestion académique est l’incapacité de l’UEH d’absorber plusieurs milliers de bacheliers venus du cycle secondaire. Avec 100 ou 200 admis par année suivant la faculté, le nombre accueilli ne peut pas aller au-delà de 2000 admis. On a tendance à attribuer cette faiblesse à une carence d’espace assimilée à l’absence d’un campus commun. Pourtant, elle est liée à l’inaptitude de gérer un flux d’étudiants dont leurs activités seraient réparties dans des facultés éloignées l’une de l’autre.

Remède III

Seule l’introduction du système de crédit, et de l’école de Science Art qui englobe une multiplicité de domaines peuvent aider à résoudre ce problème de confiance et de gestion académiques. D’énormes bénéfices peuvent tourner autour de : 1) l’uniformisation des curriculae et l’intégration des facultés comme de réelles composantes d’un même système ; 2) l’élimination de la redondance des cours ; 3) le même contenu pour un cours enseigné avec un manuel commun par plusieurs professeurs ; 4) l’ouverture des champs de concentration majeur et mineur permettant à un étudiant d’élargir la base de son intellect sans devoir faire deux facultés pour deux licences différentes avec une charge académique double ; 5) la réduction du cycle d’étude à une période normale de 4 ou 5 ans dépendant du programme ; et 6) la capacité d’absorption annuelle double.

IV : De l’indicateur de performance du système de l’UEH

Depuis quelque temps, le nombre de diplômés qui est l’un des critères de performance du système d’enseignement indique sa nette déchéance. Il est regrettable que la non-disponibilité des données, due à l’inexistence d’un système rationnel ou moderne de gestion d’informations, ne permette pas d’avancer un taux annuel de diplômés. Sans vouloir dire que celui-ci est négligeable, il est difficile de faire une évaluation comparative annuelle pour déterminer s’il y a progrès ou pas. Toutefois, les faits constatés dénotent un grand nombre d’étudiants finissants coincés dans le système, à cause d’un mémoire qu’ils n’arrivent pas à rédiger, pour former un goulot d’étranglement qui ralentit la vitesse de sortie des promotions.

Le fait de n’avoir pas comblé les lacunes, ni acquis pendant tout le cycle aucune technique d’acquisition, de traitement des connaissances, de communication, et d’autonomie académique, ils sont perdus dans le labyrinthe académique. Il leur devient impossible de produire un travail reflétant un apport personnel avec toutes les rigueurs académiques que cela exige. S’ils ne trouvent pas un directeur de mémoire à qui ils doivent payer pour la rédaction du mémoire, ils vont rester dans le système sans pouvoir le laisser un jour. Considérant les conditions pauvres de nombreuses familles et de la faiblesse académique et administrative de l’UEH, beaucoup croupissent dans le premier cycle pendant des années sans décrocher leurs diplômes.

Pendant que l’UEH fait du mémoire un pilier de son système d’évaluation, elle n’a pas mis au point des structures pouvant accompagner les étudiants. Il est toutefois bon de noter qu’une prise de conscience de ce fait a quand même porté les responsables à apporter un support financier aux mémorands. Toutefois, ils refusent de remettre en question le mémoire dans le processus de formation. Si le mémoire est considéré comme un exercice d’apprentissage à la recherche, il suffit de demander si tous les étudiants sont intéressés à devenir chercheurs ou simplement intégrer le marché du travail. A cette question, le cursus des facultés serait taillé de manière telle à leur permettre d’orienter leurs formations suivant leurs aspirations.

C’est un gaspillage en temps et en ressources de certains d’entre eux et de l’UEH d’imposer le mémoire à tous. En regard à tout ce qui se fait ailleurs, on peut aller plus loin pour questionner la nécessité même du mémoire au niveau de licence où l’étudiant encore dans le processus d’apprentissage des connaissances n’a aucune maturité académique. Un tel travail est aujourd’hui reporté au niveau post-gradué pour être remplacé par des rapports courts qui mettent l’emphase sur l’organisation de la pensée, l’analyse, la cohérence et la créativité, la clarté et la simplicité de la communication.

Remède IV

L’UEH doit emboîter le pas pour remplacer le mémoire par de multiples rapports courts. Donc, autant de rapports que de cours, pour donner lieu à la pratique moderne de rédaction des travaux académiques. Les résultats espérés seraient : 1) la maîtrise des techniques de rédaction des travaux académiques que seule la pratique peut apporter ; 2) le cycle d’études complété dans le délai imparti ; 3) l’élévation du taux de ‘diplômation’ par la sortie annuelle régulière des promotions ; et 4) une meilleure préparation des étudiants pour des études post-graduées dans le pays ou ailleurs avec un esprit compétitif.

Jean POINCY
caineve@yahoo.fr

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