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FÒK SA CHANJE

lundi 29 août 2011

Pour relever l’Université d’Etat d’Haïti : campus commun ou uniformisation académique ?


“Le projet est pris en compte. Je viens de recevoir un coup de fil d'un responsable de la CIRH et on attend encore deux semaines pour avoir une réponse concrète” a indiqué le recteur de l’Université d’Etat d’Haïti lors d’un entretien avec Le Nouvelliste. Selon le quotidien, il se montre optimiste quant à la réalisation du campus qui fera le bonheur de quelque 15 000 étudiants issus de onze entités de l'UEH à Port-au-Prince (Le Nouvelliste, 22 août 2011).

L’idée d’avoir un campus capable d’héberger les 11 facultés de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) éparpillées depuis toujours est une obsession. Ils sont beaucoup, incluant les responsables, à attribuer le dysfonctionnement de l’UEH à l’absence d’un lieu commun où tous ses membres peuvent se retrouver pour remplir leurs fonctions, soit la recherche, l’enseignement académique, le quotidien administratif ou la gestion académique. Quand les étudiants se plaignent de leur pauvreté académique, manifestent violemment pour un meilleur traitement et réclament un campus universitaire commun, les responsables se déchargent de toute responsabilité pour accuser l’Etat de les avoir handicapés en traitant l’UEH en parent pauvre. Celui-là, de son côté, justifie son indifférence en reprochant ses accusateurs de n’avoir pas mis l’Université au service du pays, outre la préparation médiocre des citoyens qui profitent de toute opportunité pour s’expatrier via des bourses dont la qualité de l’enseignement est douteuse et est loin d’être supérieure à ce que l’UEH prodiguait dans le temps. Pour comprendre le dilemme, ce texte :

I-         Expose la perception erronée des responsables relative à la modernisation de l’UEH.
II-       Identifie les démarches pratiques ‘modernisantes’ de l’UEH.
III-     Propose plutôt une configuration axée sur des Quartiers Universitaires.

I : La perception erronée de modernisation de l’UEH

Selon les dires d’un responsable, le séisme du 12 janvier 2010, qui a quasiment détruit les immeubles des 11 entités, offre une excellente opportunité pour enfin concrétiser le rêve d’avoir un campus commun. Ce qu’il considère comme le levier de modernisation pouvant hisser l’UEH au mât des universités modernes. Pour le conseil exécutif, un tel site permettrait de répondre “…aux normes standards et internationaux…” et pourrait aussi “…symboliser la volonté des dirigeants de l’UEH de répondre aux attentes de la nation et de jouer son rôle constitutionnel.” (Le Nouvelliste No. 38462 samedi 26 et dimanche 27 février 2011 : Le projet de campus de l’UEH soumis à la CIRH.) S’il faut y croire, il est à comprendre que l’inexistence d’un campus réunissant toutes les facultés sous un même toit cause la déchéance de l’UEH.

Penser qu’il suffit de rassembler toutes les facultés pour remédier aux maux endémiques de l’UEH, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Cela laisse supposer que les paramètres définissant le fonctionnement d’un système universitaire ne sont pas toujours cernés. S’il s’agit d’unifier l’UEH, aucune forme de rassemblement des facultés sur un même campus ne pourra le faire. Sans vouloir minimiser le besoin du réaménagement des lieux ou la construction d’un campus principal, l’approche par le biais d’un campus commun est totalement erronée.

Construire un tel campus avant une refonte académique risque d’être un coup d’épée dans l’eau. L’ironie est que si la refonte académique est faite, elle invalidera la démarche d’un campus commun. Si la fonction d’une université est la création et la transmission de connaissances, un système académique qui ne les favorise pas réduit tout campus universitaire moderne ou pas à sa plus simple fonction d’abri de matériel de fonctionnement, du personnel administratif et académique qui sans un système académique rationnel ne valent rien. Par contre, l’existence d’un tel système, en l’absence même d’un lieu de fonctionnement, peut permettre à une université de remplir efficacement sa fonction de création, de transmission de connaissances et de se mettre au service de sa société. Il suffit de surfer le web pour trouver une multiplicité de formations académiques offertes et diplômes décernés en ligne par des universités de renom.

II : Les démarches pratiques ‘modernisantes’ de l’UEH

Les 200 millions de dollars US prévus pour la construction d’un campus universitaire moderne serviraient mieux à refondre le système académique et reconstruire les sites existants des entités détruites par le séisme. L’espace de chaque faculté si bien aménagé, et le flux des étudiants et personnel académique et administratif bien géré, il n’y a aucune raison pour que chaque faculté ne fournisse pas un rendement optimal moyennant un cursus académique uniforme. Tout pour dire que la renaissance de l’UEH ne dépend nullement d’un campus commun, mais plutôt :
  1. D’une refonte académique afin de prodiguer les mêmes connaissances répondant à la réalité de la société Ayitienne. Tous les étudiants de l’UEH auraient à suivre un même programme ou des cours de base communs indifféremment de leur champ d’intérêt.
  2. D’un nouveau mode d’admission porté sur dossier en guise d’un concours d’admission administré par chaque faculté où un candidat peut s’inscrire dans plusieurs facultés et éventuellement être admis dans deux ou plusieurs facultés pour ôter la chance d’admission de quelqu’un d’autre injustement. En conséquence, tout candidat serait inscrit et admis à l’UEH et non à une faculté.
  3. D’une réorganisation des curriculae pour éliminer les cours doublons, soit un même cours enseigné par un même professeur dans plusieurs facultés en contrepartie d’un salaire dans chaque faculté. Les avantages seraient non seulement de réduire les coûts d’enseignement et aussi d’éviter l’absurdité de reprendre ce même cours enseigné par le même professeur dans une autre faculté qui décide de ne pas honorer la note de passage reçue dans une autre faculté de l’UEH.
  4. De la professionnalisation du corps professoral permanent à temps plein moyennant un salaire alléchant et des obligations de recherche pour la production des connaissances, d’enseignement, de gestion académique de ses cours et d’encadrement des étudiants.
  5. D’un système de gestion d’information informatisé pour faciliter le suivi académique des étudiants et l’administration du système. Finalement, l’université pourrait mieux évaluer la population estudiantine et gérer le temps mis pour compléter un cycle d’études, et corriger les écarts là où c’est nécessaire.
  6. D’une bibliothèque centrale moderne garnie de nombreux ouvrages et revues scientifiques couvrant les différents domaines d’études portés par les facultés. Mettre au service de la communauté académique de l’UEH quelques revues scientifiques coûterait peu et n’amputerait pas le budget actuel. Une bibliothèque centrale ou centre de documentation central serait le point de convergence académique naturel où les étudiants, professeurs, chercheurs en quête de connaissances se retrouveraient. Ce lieu serait aménagé de telle manière à pouvoir conduire des conférences ou colloques pour débattre les idées. La création d’une bibliothèque ne saurait empêcher la reconstruction des bibliothèques spécialisées de chaque faculté.
  7. D’un laboratoire informatique devant faciliter les recherches et travaux académiques des étudiants, professeurs et chercheurs.
III : Quartiers universitaires en guise de campus commun

Tout cela est possible sans que les facultés évoluent sur un même site, déjà qu’elles ne sont pas si éloignées les unes des autres au point de déranger le fonctionnement d’un système académique uniformisé et qu’il ne nécessite aucune synergie.  Concrètement, faire de la construction d’un campus capable de réunir toutes les facultés est une échappatoire pour ne pas aborder les vrais problèmes de l’UEH. Moderniser l’UEH ne dépend pas de la coexistence des 11 facultés dans un même espace, mais plutôt de la gestion du cursus universitaire et de la qualité de l’enseignement.

Considérant la configuration actuelle des facultés l’une par rapport à l’autre, il n’y aucune raison de penser à un campus commun pour mieux faire fonctionner l’UEH. N’étant pas trop éloignées l’une de l’autre, il suffit d’harmoniser le cursus pour mieux permettre la tenue des cours spécifiques à un domaine que plusieurs étudiants doivent suivre ensemble indifféremment de leurs champs de concentration. Voyager d’une faculté à une autre ne serait que quelques minutes de marche où à la rigueur rendre disponible une navette desservant un circuit quelconque.

Tenant compte de la position de chaque faculté l’une par rapport à l’autre dans un même quartier, il est possible de les regrouper en Quartiers Universitaires (QU). Si des 11 entités 6 se retrouvent dans une même zone où il faut approximativement 5 à 15 minutes de marche entre elles, 3 dans une autre pour seulement 2 minutes de marche, et avec seulement 2 facultés relativement éloignées, il est possible d’imaginer deux grands quartiers universitaires:

Le QU 1 formerait un triangle avec la rue Oswald Durand où se trouvent les facultés de Médecine/Pharmacie, Odontologie, Droit et Sciences Economiques, la rue Monseigneur Guilloux logeant les facultés des Sciences et l’Ecole Normale Supérieure, et l’avenue Magloire Ambroise près du Champ-de-Mars où se trouve la faculté d’Ethnologie. Entre ces facultés, la durée de marche ne dépasse pas quinze minutes. Le QU 2 rapprocherait l’Institut National d’Administration et de Gestion des Hautes Internationales (INAGHEI), la Faculté des Sciences Humaines, et l’Institut Supérieur d’Etudes et de Recherches en Sciences Sociales - Institut d'Etudes et de Recherches Africaines (ISERSS-IERAH) où la durée de marche serait très négligeable.

Garder les deux autres, les facultés d’Agronomie et de Linguistique Appliquée, où elles sont ne dérangerait aucunement le fonctionnement de l’UEH avec deux grands quartiers universitaires. Toutefois, il serait possible de les intégrer dans une des deux QU.  Cette configuration était possible avant le séisme, et l’est encore considérant que les emplacements demeurent la propriété de l’UEH. Donc tout débours de reconstruction devrait être dirigé plutôt vers la réhabilitation de ces facultés. En fin de mandat, le conseil exécutif de l’UEH ne doit pas rater une dernière opportunité pour poser des actions pragmatiques capables de sortir l’UEH de sa détresse académique. Un campus commun à Damien n’en est pas une et est loin de traduire la vision de la communauté de l’UEH d’un campus commun.

Jean POINCY
caineve@yahoo.fr

4 commentaires:

Nadève a dit…

Merci pour ces commentaires très pertinents.

Anonyme a dit…

Je vous felicite, j'ai beaucoup apprecie et j'espere qu'ils vont comprendre et agir pour le bien etre de nos universitaires Haitiens

Pierre Paul a dit…

Je suis d'accord avec ta logique en I et II, mais en III, j'aimerais savoir, dans votre projet de QU, ce que vous prévoyez pour les églises, les "ti biznis", la circulation, précisément, pour le bruit infernal qu'ils font autour des facultés? Parce que j'ai jamais vu une université étrangère avec une église, à de pas, de qualité "Lochard Remy" avec ces programmes de louanges paralysant.

erszomix@yahoo.fr

Pierre Paul a dit…

Je suis d'accord avec ta logique en I et II, mais en III, j'aimerais savoir, dans votre projet de QU, ce que vous prévoyez pour les églises, les "ti biznis", la circulation, précisément, pour le bruit infernal qu'ils font autour des facultés? Parce que j'ai jamais vu une université étrangère avec une église, à deux pas, de qualité "Lochard Remy" avec ces programmes de louanges paralysant.

erszomix@yahoo.fr