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FÒK SA CHANJE

mercredi 29 juin 2011

Comprendre la mécanique de prospérité économique pour changer le social en Ayiti


Considérant l'état moribond de l'économie Ayitienne, il est impératif que le nouveau gouvernement fasse de la prospérité économique la priorité de ses priorités parce qu'elle est le tremplin de tout changement social souhaité dans une société. Cela suppose initialement le plein emploi des ressources dans des activités de production à haute intensité de main-d'oeuvre. La majorité de la population active directement impliquée dans le processus de production sera détentrice d'un revenu régulier qui coupera la corde de dépendance financière vis-à-vis d'un pourvoyeur. Avec un revenu gagné à la sueur de son front, tout individu ou parent serait apte à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ; et devant le gagner, il se conditionnerait à pouvoir le faire dans la constance et la discipline.

D'un côté, il serait le premier à consommer le bien qu'il a contribué à produire, parce que le revenu gagné en contrepartie de son travail fourni lui apporte le pouvoir d'achat nécessaire à toute idée d'amélioration de ses conditions de vie. D'un autre côté, l'Etat se garantirait une entrée fiscale régulière via l'impôt sur le revenu du travailleur et les taxes prélevées sur les produits consommés. Ce serait une source de revenu public indéniablement sûre et quasiment intarissable qui permettrait à l'Etat d'intervenir pour accompagner l'économie en mettant en place les infrastructures de base, et en assistant les plus vulnérables.

C'est une logique économique incontournable qui dote l'Etat de la capacité requise pour bien remplir sa mission, rendre effectives ses actions, réduire sa charge d'assistance sociale, tirer le pays de la pauvreté absolue, et donner une chance à chaque individu de pouvoir répondre lui-même de ses obligations sans qu'il soit assisté par quiconque. Ne pas s'en tenir à cette logique épinglerait la disposition politique de l'Etat à la mendicité internationale ou l'obligerait à alimenter sa caisse de revenu public à partir d'une source fiscale aléatoire ou par l'exaction fiscale. Cela risquerait de neutraliser tous les efforts louables de diriger autrement.

Pendant que certains se plaisent à reprendre comme suggestions au nouveau gouvernement les mêmes approches portées sur l'investissement étranger par le biais du secteur d'assemblage avec l'essence de la loi HOPE à la remorque, d'un replâtrage du système bancaire qui n'a jamais joué son rôle de facilitateur financier auprès des entrepreneurs, ou d'une politique de l'emploi qui est en toute logique un corollaire du développement de la production nationale, ce texte a pour objectif de rappeler qu'aucun changement social ne sera possible sans réaliser la prospérité économique. Pour ce faire, il explique que le levier de prospérité économique est opérable sur trois vitesses qui touchent principalement la nature des activités de production envisagées, l'investissement capable de rendre effectives les activités de production des biens consacrés impérativement au démarrage à la consommation locale, et le pouvoir d'achat qui, dépendant de l'investissement local ou étranger, permet d'alimenter la consommation des biens locaux pour concrétiser la relance économique.

La nature de la production comme première vitesse

Etant donné que faciliter l'accès à la nourriture est un devoir d'Etat et que les gestionnaires de société ne semblent pas savoir comment le faire, la tendance serait de pencher vers la production agricole pour contrecarrer la faim qui y sévit. Ce serait une approche erronée parce que celle-là n'est aucunement profitable pour l'investisseur si elle n'est pas subventionnée. Elle le serait davantage moins compte tenu des conditions dégradantes du sol, de la mauvaise gestion du territoire, et de la déficience naturelle de l'agriculture qui n'offre qu'un rendement décroissant.

Si le gouvernement décide de consacrer les ressources de production soit à la relance de l'agriculture ou le maintien du secteur d'assemblage pour garantir la prospérité économique, il y aura l'effet contraire qui tiendra davantage le pays dans la misère parce que la machine de production ne sera pas effectivement démarrée. Ce ne sera fait que quand le marché local, comme moteur de tout développement économique, sera propulsé. C'est-à-dire, l'accent doit être mis sur la production des biens manufacturés dans un système de production branché sur plusieurs niveaux de transformation capable d'absorber autant de chômeurs que possible. Ceux-ci, avec le revenu gagné, auront à consommer ce produit fabriqué dont l'usure exige son renouvellement. Autant que la production massive de tels biens de consommation y favorise l'accès en termes de disponibilité et de coût d'acquisition, la demande sera soutenue en permanence pour garder en marche la machine de production.

Avec un système de production dédié au marché local, il y a lieu de penser à une prospérité économique venant de la force productrice locale. Les investisseurs locaux qui, trouvant une garantie de protection de leurs biens et propriétés, et des possibilités de maximiser leurs profits, seraient enclins à conjuguer avec le gouvernement qui les inviterait à embrasser le choix des activités de production. Pour répondre spécifiquement aux besoins de la population, ils utiliseraient le travail de la population active en contrepartie d'un revenu permettant à cette dernière de faire face à ses responsabilités. L'expérience accumulée dans le temps, permettrait de maîtriser les techniques de faire, d'améliorer la qualité de la production, d'augmenter la production nationale au-delà du point de satisfaction de la société afin de s'engager dans l'exportation des biens manufacturés produits et de devenir compétitif sur le marché international.

L'investissement comme deuxième vitesse

L'investissement comme deuxième vitesse est clé. En effet, il ne suffit pas de lister les activités de production prioritaires s'il n'y a pas d'investisseurs intéressés à risquer leurs fonds dans des activités de production choisies par le gouvernement. Il n'existe pas d'investisseur bon samaritain. Celui qui accepte d'investir prend un risque. En entrant dans le jeu que pour des profits, il doit indubitablement les maximiser grâce aux avantages qui lui serait offerts. Il n'y prendra aucun risque si son investissement n'est pas protégé et que le retour n'est pas très prometteur. Personne n'acceptera d'investir en Ayiti parce que le peuple lui fait pitié. Encore, il est un devoir d'Etat d'inviter des investisseurs à prendre le risque dans des activités de production prônées. En toute bonne conscience, une autorité responsable se voue corps et âme pour attirer les investissements qui peuvent être entrepris par des investisseurs locaux ou étrangers. Face au risque, l'un ou l'autre serait conditionné par la protection de ses investissements et la possibilité de maximiser ses profits.

Le cadre d'activités de production n'étant jamais offert, il est difficile d'impulser un investisseur. En effet, si l'investisseur local refuse de risquer ses fonds dans son propre pays, il est inimaginable qu'un investisseur étranger y vienne s'aventurer avec les siens. Le primordial fait défaut, c'est-à-dire la sécurité de sa personne, et de ses biens et propriétés n'est pas garantie. En outre, le cadre d'activités de production prioritaires n'existe pas. Sans y penser, les pourfendeurs de la relance économique du pays ne jurent que par l'investissement étranger. Leur point de repère est l'investissement dans l'industrie d'assemblage au niveau des zones franches où pullule le maillon d'assemblage du secteur textile auquel l'industrie textile est faussement réduite.

Continuer à se reposer sur l'investissement étranger est une très grande illusion. Beaucoup de ressources sont dépensées pour l'attirer, mais les efforts flottent encore dans le monde des rêves. D'où vient l'écart ? Le type d'investissement étranger qui serait profitable à l'économie est l'investissement direct étranger (IDE) à la Digicel, la compagnie de télécommunication. Un tel investissement implique des engagements durables qui requièrent d'énormes débours dans une activité de production promettant des profits considérables. Aussi, il suppose que le pays hôte ait un niveau de pouvoir d'achat devant permettre à l'investisseur de vite récupérer financièrement et maximiser son profit par la suite.

La nature des activités de production dans le secteur d'assemblage n'incite pas à consentir de tels débours. La zone franche n'est qu'une simple échappatoire permettant aux firmes multinationales d'éviter les coûts de main-d'oeuvre exorbitants et des protections sociales offertes aux travailleurs dans leurs pays d'origine aux fins de rester compétitives sur le marché international. Vu le degré de simplicité de certaines tâches à effectuer dans le processus de production, elles délocalisent le maillon respectif pour profiter de la main-d'oeuvre à bon marché et rester compétitives sur le marché international. La condition attrayante des IDE dans le secteur d'assemblage est fictive. Il faut cesser de se leurrer en pensant les attirer dans les zones franches à l'instar de ce que fait Digicel dans la télécommunication.

En faisant référence au succès des pays asiatiques qui ont hébergé le secteur d'assemblage, il ne faut pas oublier qu'ils ont mis en place une politique de production axée sur la remontée des filières leur permettant de devenir eux-mêmes producteurs des intrants, ou même des outils de production, au point de les exporter dans le temps. Donc, ils n'étaient pas simplement des pays-assembleurs de produits finis. Avec une forte implication de l'Etat dans le processus de planification de leur développement économique, ils exigeaient le transfert des technologies pour que dans le temps ils arrivent à construire tous les maillons d'une industrie et avoir une industrie dans toute son intégralité, l'industrie textile en l'occurrence. Ce n'est pas le cas pour Ayiti qui depuis l'introduction du secteur d'assemblage dans les années 70 fait montre de complaisance dans ce secteur de faible valeur ajoutée, et qu'il se contente d'identifier à l'industrie textile.

Le pouvoir d'achat comme troisième vitesse

Le pouvoir d'achat comme troisième vitesse du levier de prospérité économique est crucial à la relance économique, parce qu'il est le seul capable d'alimenter la consommation, l'essence même de toutes activités économiques. S'il est clair que l'investissement comme deuxième vitesse du levier de prospérité économique agit sur la force motrice d'une économie, il perd de son régime dans une société où le pouvoir d'achat est presque nul. Sachant que le besoin de consommer est ce qui porte des investisseurs à produire, il faut le pouvoir d'achat pour rendre effective la consommation dont le défaut n'encourage aucun investisseur à prendre le risque. Le paradoxe est que celui-ci dépend de l'investissement.

Ce qui importe le plus maintenant est une politique d'investissement capable de persuader l'investisseur que le pouvoir d'achat qui découlera de son investissement par la création d'emplois sera sa source principale de maximisation de profits. Etant donné que la stratégie de production accordera la priorité au marché local, le choix de l'investisseur porté sur une activité de production prévue permettra l'utilisation des ressources locales et créera des emplois en conséquence. Sachant que le pouvoir d'achat créé sera principalement consacré à la consommation des produits locaux, la politique commerciale accompagnatrice devra protéger la production d'un tel investisseur contre des importations qui amputeraient le profit de l'investisseur. 

Concrètement, les forces d'attraction des IDE sont la taille du marché et le (potentiel) pouvoir d'achat du pays hôte pour lequel l'investisseur va produire, à défaut de quoi il n'y aura pas d'investissement direct. Avec une population de près de 11 millions d'habitants, le pays ne représente pas encore un centre d'attraction à l'IDE. Même si le pays se transforme en récepteur de zones franches, la prospérité économique restera encore un rêve. Reposant en outre sur une main-d'oeuvre à bon marché, la zone franche ne peut être en aucun cas un pilier de prospérité économique. D'ailleurs, la production n'est pas destinée au marché local où prend lieu la consommation capable de soutenir la croissance économique. Ne s'agit-il pas de la production pour le marché local, le peu de revenu gagné ne permettrait pas aux travailleurs de consommer le produit qu'il aurait contribué à réaliser pour huiler la machine de production.



Jean POINCY
caineve@yahoo.fr

1 commentaire:

Freud Dimitri St Louis a dit…

Mr Poincy,
Je pense que les trois points soulignés sont très importants si l'on veut vraiment parler du développement (pas seulement d'un développement économique) d'Haïti. La tendance actuelle est d'essayer d'apporter des solutions superficielles comme l'aide humanitaire, par exemple. Dans l'histoire mondiale, aucun pays n'a pris le chemin du développement au moyen de l’assistanat, qui en effet, n'est que du "humanitarian Business”, profitable à certaines entreprises de ces pays dits "donateurs".
Haïti a un potentiel économique qui est jusqu'ici inexploité; regardons simplement le niveau d'accès des zones rurales à certains produits et services de base (la, nous ne soulignons même pas encore la question du pouvoir d'achat). Même à un prix élevé des gens veulent acheter des produits et services de base (n'ayant pas d'autres alternatives) qu'ils n'arrivent même pas à trouver.
Je suis d'avis que le secteur agricole n'a pas tous les potentiels pour provoquer l'impact économique souhaitable. C'est un secteur très risqué (désastres naturels, etc.) et de plus, le niveau de productivité de ce secteur est très faible, comparée à d'autres secteurs (le secteur des services, par exemple). Cependant, il reste un secteur important car, il a cette capacité de créer un certains nombre d’emplois, surtout au niveau des zones rurales, ce qui peut contribuer à freiner la question de l'exode rural.
Je crois que la question du développement d'Haïti doit être aborde suivant une démarche holistique incluant, bien sur, les questions économique, politique, technologique, environnementale, etc. Un développement viable passera nécessairement par le développement d'entreprises (d'abord locales) qui créeront des emplois et de la richesse en augmentant, à la fois, le pouvoir d'achat des gens, les recettes fiscales de l'état et le niveau de production du pays, en gardant toujours en vue l'augmentation de la productivité. Ceci favorisera la compétition entre les entreprises, ce qui est l'un des signes de sante d'une économie.
Faudrait-il que l'état mette en place un cadre propice au développement d'entreprises en identifiant des secteurs stratégiques (que ce soit en termes de capacité de génération d'emplois, de potentiel de croissance, de demande active ou latente ou de potentiel d'innovation) pour lesquels il va mettre des incitatifs pour favoriser la création de richesse.
En Haïti, les deux plus grands problèmes auxquels les entreprises sont confrontées (surtout les PME) restent le déficit en matière de compétences managériales et l'accès au capital. Or, on ne peut pas parler de croissance économique sans investissement. Suivant la logique macroéconomique Epargne = Investissement, mais il ne peut pas y avoir d'épargne s'il n'y a pas eu de création d'emplois et on ne peut pas parler d'emplois sans investissement. Nous rentrerons dans le cercle vicieux: Pas de pouvoir d'achat - pas d'épargne-pas d'investissement. La préoccupation de ce gouvernement devrait être de transformer ce cercle vicieux en un cercle vertueux : Investissement-création d'emploi-épargne-investissement. Mais ceci nécessite de véritables réflexions et surtout une bonne connaissance des priorités économiques actuelles du pays .

Freud Dimitri St Louis