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FÒK SA CHANJE

mercredi 18 octobre 2017

La loi de finances 2017-2018 très mal comprise


Dès son introduction au Parlement en juin 2017, le projet de loi de finances 2017-2018 ne cesse de provoquer des réactions hostiles de toutes parts. Même ceux qui le qualifiaient de bonne proposition le jugent aujourd’hui injuste. Diverses raisons sont évoquées pour caractériser les grognes de chaque catégorie sociale. Elles vont des prélèvements jugés irréfléchis, des frais excessifs de services publics, aux allocations inéquitables de toutes sortes. Victime de la surdité des deux branches du Parlement et de l’entêtement de l’exécutif aux cris désespérés de la population, il est devenu la loi de finances 2017-2018 prête à abattre et de fait, constitue le foyer du brasier habituel des manifestations et grèves faisant marcher le pays à reculons depuis toujours. En cours, ce texte :

Fait état de la problématique de la loi de finances 2017-2018 ;
Identifie la source de son mal ;
Présente la composition de son axe fiscal ;
Avise des conséquences de son mal incompris ;
Invite tous à y avoir une position sereine.

1 : La problématique de la loi de finances 2017-2018

Il est juste que la population élève la voix contre le budget qui sans aucun doute va l’appauvrir davantage. Toutefois, les dessous des revendications sont techniquement superficiels et n’en sont aucunement les causes réelles. Qu’il s’agisse du montant forfaitaire de 10 000 gourdes, des frais excessifs à payer pour les documents officiels, ou des allocations inéquitables, ce tollé sur le budget rate totalement sa cible parce que les montants y relatifs prévus pour l’alimenter sont nettement insignifiants. De surcroît, il ne s’agit pas d’une source de collecte garantie, régulière et continue. Par exemple, une fois qu’une pièce officielle requise est obtenue, elle ne sera pas renouvelée tout de suite, si renouvelable elle est. Donc, les soustraire de ladite loi n’arrêterait pas la course vers l’appauvrissement de la population.

Cela étant dit, l’essence du budget bien que problématique n’est pas bien assimilée. Comme présentée, la loi de finances est charpentée sur deux axes qui sont deux outils politiques qui rendent effectif le fonctionnement du gouvernement. D’abord la politique fiscale qui détermine la provenance des fonds puis la politique budgétaire qui définit les niveaux d’allocation des fonds dûment perçus, respectivement dénommées ici l’axe fiscal et l’axe budgétaire. La provenance des fonds étant prévisionnelle, une allocation effective devient un exercice aléatoire, car rien ne dit que ce qui est prévu de faire sera fait. La provenance des fonds pour alimenter un budget est légitimement l’axe le plus important d’une loi de finances. Pourtant, 90 à 95 % des échanges tournent autour de l’axe d’allocations. Il importe peu qu’une somme faramineuse soit allouée à une entité ou à une autre, pourvu que l’axe fiscal soit capable d’alimenter l’axe budgétaire.

2 : La politique fiscale : essence du mal de la loi de finances

Le mal de la loi de finances est l’axe fiscal qui n’a pas la fondation requise devant permettre au gouvernement de concrétiser sa vision vainement coûteuse. Pris en sandwich entre une vision excessivement coûteuse et l’incapacité financière de la population de contribuer à l’élargissement de l’assiette fiscale de l’État, le gouvernement par manque de pragmatisme fait sienne l’exaction fiscale comme les moyens sûrs de trouver les fonds nécessaires à la réalisation des projets qui normalement devraient être pris en charge par le secteur privé.

Malgré l’incapacité financière de la population, le gouvernement fait des impôts indirects la source vitale de la loi fiscale en lui donnant une part approximative de 70 % des recettes globales propres du pays. Relativement, les impôts directs, qui naturellement sont une source stable et régulière alimentant le revenu public de l’État, donc la base ferme d’une assiette fiscale, s’y tiennent faiblement à 25 % des recettes globales. Leur progression respective de 9.7 % et 37.9 % par rapport à l’année précédente avec un large écart de 28.2 % indique la très grande incapacité fiscale du pays. Cette condition porte le gouvernement à faire des impôts indirects son cheval de bataille à défaut de l’appui budgétaire habituel de la communauté internationale.

3 : Composition de l’axe fiscal de la loi de finances 2017-2018

Il importe ici de faire le croquis de l’axe fiscal, la source réelle du mal de la loi de finances. Comme listées, les recettes totales élevées à 93, 446, 173,522 gourdes sont constituées des :

Impôts directs qui sont des prélèvements obligatoires sur salaire ou propriété sans contrepartie. Ils s’élèvent à 23, 328, 686,248 gourdes soit 25 % des recettes totales.

Impôts indirects qui sont des prélèvements effectués via des transactions économiques de toutes sortes. Ils sont de 65, 319, 088, 940 gourdes. Soit près de 70 % des recettes totales.
a : À noter que les impôts indirects provenant des transactions relatives à la production locale touchent la barre de 13,471,916,502 Gdes.

b : De leur côté, ceux sur les transactions des produits importés s’élèvent à 37 744 855 570 Gdes.

c : L’autre composante des impôts indirects repose sur les produits pétroliers pour une valeur de 14 102 316 867 Gdes.

Par rapport au budget rectificatif de 2016-2017, les items b1, b2, et b3 accusent respectivement une hausse de 14.8 %, 14.7 % et 422 %.

Les autres recettes domestiques, un autre volet des recettes globales à percevoir de la population est de 4, 798 398 333 Gdes. Il est sans doute le panier où stocker les frais des services publics comme l’acquisition des documents officiels, les amendes à payer, ou le retrait d’un permis de conduire et d’un passeport. Par rapport au budget rectificatif de 2016-2017, la hausse est de 7 %.

La toute dernière composante concerne les dons et emprunts qui font la différence de 50,753,826,479 Gdes dans l’enveloppe globale de 144 200 000 000 Gdes. Cette partie n’est pas traitée dans le texte.

4 : La hausse des coûts de transaction : conséquence du mal budgétaire incompris

Reconnaissant la nécessité de doter le gouvernement des fonds nécessaires à son fonctionnement, personne n’entend le priver de son droit régalien de prélever des impôts, d’augmenter ou de diminuer la pression fiscale sur les citoyens. Cependant, le cas où la pression est excessivement forte sur un axe fiscal déjà faible, les citoyens peuvent s’ériger contre toute initiative risquant de les appauvrir et même engager une désobéissance fiscale face à l’obstination d’un gouvernement de conserver une politique fiscale régressive affectant tous les consommateurs, mais davantage les plus défavorisés. C’est un tournant déstabilisateur tendant à élever les coûts de transaction et entraver le progrès socio-économique d’une société.

En effet, marquée par des arrêts de travail, des grèves de transport, des fermetures d’écoles et des manifestations violentes émaillées de casses des biens privés et publics, la société encourt le risque de revenir à la case départ sans pouvoir revaloriser les acquis perdus au fil du temps ni attirer de nouveaux investissements tant locaux qu’étrangers. Aujourd’hui, Ayiti vit péniblement cette regrettable situation, alors en quête de nouvelles opportunités pour relancer l’économie. Si l’axe budgétaire proposant différentes allocations ne représente aucunement l’anomalie dans la loi de finances qui, contrairement aux croyances populaires, puise sa force réelle de l’axe fiscal, le gouvernement n’a pas à se soucier des revendications faites sur les items insignifiants déjà évoqués. Donc, concéder au peuple ses réclamations y relatives est la position pragmatique et sage à adopter pour éviter que le pays sombre encore une fois dans le chaos.

5 : Pour une position sereine autour de la loi de finances 2017-2018

Contrairement aux différentes revendications qualifiant de criminel la loi de finances, les impôts indirects représentent le mal de ladite loi. Ils cristallisent un système fiscal régressif qui ne fait qu’appauvrir davantage la population. Avec un poids de 70 % des recettes domestiques, les consommateurs, pauvres en majorité, auront à débourser la totalité de leur revenu pour péniblement acquérir les biens nécessaires à leur vie sans même pouvoir y parvenir. Que feront ceux sans revenu eux-mêmes qui doivent obligatoirement consommer pour survivre ? Le pouvoir d’achat de ladite majorité étant quasi-inexistant, celle-ci ne pourra jamais faire face aux coûts élevés de la vie, surtout que les producteurs, importateurs et commerçants se déchargeront d’emblée de ces taxes à son détriment. En outre, la hausse de 422 % des produits pétroliers rendra tout inaccessible au point de la plonger dans une misère noire.

Toute critique objective devrait se focaliser sur la provenance des fonds prévus à collecter. Elle est la seule capable de montrer si le budget est juste ou injuste dépendant de la capacité financière de la population de supporter les impôts proposés par le gouvernement. En fait, l’axe fiscal reposé fortement sur les impôts indirects rend injuste la loi de finances 2017-2018. S’éterniser sur les allocations ou sur des éléments insignifiants fait errer tout le monde. Le regard rivé sur l’axe fiscal aurait permis de mieux comprendre la nature régressive du système fiscal du pays, conduire des débats éclairés et objectifs, porter l’exécutif et le parlement à mieux comprendre la nécessité de ne pas avancer avec un tel projet de loi de finance, et du même train éviter les récentes dérives nuisibles au fonctionnement de la société en quête d’un bien-être déjà difficile à atteindre.

Dans une atmosphère sereine avec des approches techniques, le gouvernement comprendrait qu’il peut toujours avoir des projets d’envergure coûteux et les financer avec le revenu public moyennant une forte capacité financière de la population. Cela n’est possible que si la majorité de la population travaille et a un revenu régulier lequel constituerait une source stable et régulière d’impôts directs accouplés de très larges possibilités d’impôts indirects en raison d’une éventuelle forte propension à la consommation. Ce sont des conditions primordiales qui n’obligeraient pas le gouvernement à recourir à la pression fiscale comme meilleur outil d’élargissement de l’assiette fiscale de l’État.

Jean Poincy

Enseignant : UEH /UP
SG/RÉSULTAT
caineve@yahoo.fr


Lire l'article sur le quotidien Le National
http://www.lenational.org/loi-de-finances-2017-2018-tres-mal-comprise/

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