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FÒK SA CHANJE

dimanche 5 mars 2017

UNE SIMPLE QUESTION DE POUVOIR D’ACHAT ET NON DE RIZ EN AYITI

Considérant que deux Premiers ministres, Jacques Edouard Alexis et Jacques Guy Lafontant, ont été démis de leur fonction suite au soulèvement de la population, attirer l'attention sur les raisons communes de ces événements s'avère nécessaire pour éclairer la lanterne du nouveau gouvernement sur de nouvelles pistes afin de rediriger l'économie du pays. Ce texte de 2008 est remis en ligne...Bonne lecture!

Les dernières émeutes qu’a vécu le pays font état de la nécessité de penser à sa réorganisation économique en vue de garantir un pouvoir d’achat stable à la population.  Cette position déconseille toute stratégie économique visant la production vivrière, mais encourage une politique agressive de substitution à l’importation des produits manufacturés à partir de l’exploitation du secteur primaire.  Toute politique d’assistance alimentaire soit par une élimination totale des taxes sur les produits alimentaires ou par une subvention ciblant des couches avec un revenu zéro ou extrêmement faible est acceptable comme sortie de crise, mais sur une durée ne dépassant pas une année.  C’est le temps qu’il faut pour poser les premières pierres des activités de transformation à haute intensité de main-d’œuvre et avec une forte capacité d’effets d’entraînement en amont et en aval.  Ce faisant, la création d’un nombre d’emplois en un temps record sera considérable selon les secteurs d’activités de transformation choisis comme moteur de croissance et de développement économique.  Dans cette perspective, ce texte :

I.         Montre la nécessité économique de vivre en collectivité ;
II.       Identifie les conséquences des incertitudes dans la vie collective ;
III.     Tente de comprendre les démarches de réparation de la gouvernance Ayitienne suite aux récentes émeutes ;
IV.     Propose la substitution à l’importation comme stratégie de production nationale ;
V.       Fait la plaidoirie d’un pouvoir d’achat garanti ;
VI.     Suggère des activités porteuses.

I :  La nécessité économique de vivre en collectivité  

En supposant que vivre c’est répondre aux besoins primaires comme se nourrir, se vêtir et se loger, bien vivre c’est pouvoir faire plus que ça.  Néanmoins, un individu à lui seul ne peut tout faire en raison de l’œuvre de la nature de doter à chacun et à chaque endroit sa propre capacité de faire ceci et non cela.  Robinson Crusoe seul sur l’île où il était maître et seigneur pendant une vingtaine d’années ne pouvait se pourvoir de tout ce dont il avait besoin.  En dépit de son abondance vivrière, il vivait misérablement à cause de sa capacité artisanale limitée de transformer les produits de la nature pour mieux se les approprier.  Toutes les pièces d’or (l’argent) qu’il a récupérées de l’épave lors de son naufrage ne valaient rien. 

Privé des choses matérielles et nécessaires à la vie, il se sentait pauvre même quand il répondait à sa faim.  Malgré riche en nourriture et en argent, son rêve était de fuir sa vie solitaire pour rejoindre la collectivité de ses semblables.  Tout pour dire que l’incapacité naturelle de tout faire oblige le vivre-ensemble pour contrer les incertitudes de la vie seule.  Comme la collectivité devient le recours le plus sûr pour tout homme, il convient de l’organiser, de la sécuriser et d’harmoniser les activités afin que chaque individu puisse tirer son épingle du jeu en fonction de sa capacité.  Ce qui n’élimine pas pourtant les incertitudes.  Même réduites, celles-ci peuvent se vivifier sous une forme ou une autre pour secouer la vie collective.  Ceci dit, autant que les incertitudes persistent, il y aura des émeutes ou d’autres formes de déstabilisation.  Vu que la nature des dernières émeutes est liée à l’absence du pouvoir d’achat, tout effort sera un coup d’épée dans l’eau s’il n’est pas dirigé vers la création massive d’emplois.   

II :  Les conséquences des incertitudes dans la vie collective

Les incertitudes sur ce que sera demain pour certains, ou sur l’effet du comportement des lésés donnent nécessairement lieu à un manque de confiance collective qui débouche sur des actions agressives, des actions préventives violentes ou des réactions d’une même teneur de part et d’autre.  Si la privation de l’élément de base de survie (la nourriture) est chronique, la résultante ne peut être que des casses.  Les grandes révolutions de l’histoire de l’humanité ont toujours le ventre vide comme une des causes.  Résoudre le problème de la faim est devenu la préoccupation de tout système de gouvernance mis en place pour harmoniser le vivre-ensemble.  En effet, si l’état de privation demeure, toutes institutions informelles ou formelles, qu’elles soient les traditions, les mœurs, les lois, la constitution ou l’Etat, seront impuissantes face à ces incertitudes et ne pourront jamais empêcher des mouvements de déstabilisation.

Etant un système de gouvernance devant gérer les frictions survenues des interactions pour un bénéfice mutuel, leur absence ou faiblesse met en péril une collectivité.  Revient-il à dire que les émeutes que vient de vivre Ayiti indique son absence ?  Certes, la situation est fâcheuse, mais elle est loin de priver le système de gouvernance actuel de sa bonne nature tirée de l’intention de départ d’harmoniser le vivre-ensemble.  Un système devrait permettre de diagnostiquer le mal pour au moins localiser les points défectueux, entreprendre les réparations nécessaires et assurer le bon fonctionnement du vivre-ensemble.  Le cas des récentes troubles autour de la hausse généralisée des prix des produits de première nécessité dévoile les failles du système de gouvernance économique Ayitien qu’il faut remmailler. 

III :  Quelle réparation du système de gouvernance Ayitien ?

L’urgence interpelle les parties prenantes sur l’impératif d’atténuer le sort de la population par la destitution d’une branche de l’exécutif, et par la baisse du prix du riz.  Si la première représente un des axes qui font tourner le système de gouvernance politique, mais ne rend pas les résultats recherchés, le rationnel exige soit sa réparation ou son remplacement dépendant du degré de son imperfection.  Le jugement ultime a été de changer cette partie tarée pour repartir à neuf.  Relevant de la gouvernance politique, le vivre-ensemble peut toujours se faire avec cette décision pourvu que la gouvernance économique le permette.  L’implication faite ici est la commande de la gouvernance politique par la gouvernance économique, pour hiérarchiser les différentes institutions appelées à réduire ou à neutraliser les externalités négatives résultant des actions individuelles ou de groupes.  Dans ce sens, il suffit de négliger un simple mauvais fonctionnement de la gouvernance économique réparable d’ailleurs avec un coût zéro presque pour chambarder la gouvernance politique.   

Le deuxième volet de la décision rendue pour atténuer la misère du peuple et calmer les tensions touche la gouvernance économique par la baisse du prix temporaire d’un seul produit de première nécessité.  Peu importe la sagesse et la technicité avec lesquelles le nouveau gouvernement sera constitué, une réparation boiteuse du système de gouvernance économique va ramener le pays à la case départ.  Le pays devrait profiter de cette turbulence pour se focaliser sur sa réorganisation économique (Voir Le Matin 24-25 juin 2007 ; Jean Poincy : “La nécessité d’un plan directeur pour l’économie”).  Le Président René PREVAL est vivement critiqué du fait que sa proposition de sortie de ce marasme n’aborde que le long terme sans toucher le court terme alors que le vivre-ensemble est en état d’urgence.  Le regrettable est qu’aucune proposition économique tangible et pratique n’a été avancée.  La tornade de débats ressassant différents principes économiques ne fait que noircir l’horizon du numéro un alors que son idée, sensée ou insensée qu’elle puisse être, a besoin d’être travaillée pour trouver une solution durable et appropriée à la réalité Ayitienne.  D’ailleurs, son idée de production nationale n’est pas nouvelle de lui, il en a fait part lors de son discours de circonstance au début de l’année en évoquant la production nationale du jus. 

IV :  La substitution à l’importation comme stratégie de production nationale

Le Président peut proposer n’importe quoi, mais il revient aux ingénieurs de la gouvernance économique de peaufiner son idée pour la faire atterrir.  Cependant, quand ceux-ci parlent de développement économique, ils jurent par le tourisme et le projet HOPE sans accepter le fait que ce sont simplement des secteurs accompagnateurs dans le processus de création d’emplois supplémentaires.  Quand ils parlent de production nationale, ils entendent la production des denrées d’exportation pour assurer la rentrée des devises, sans l’accepter comme un handicap à l’économie (Voir Le Matin 14-15-17 Août 2007 ; Jean Poincy : “La nature extravertie de l’économie Ayitienne : un mal-économique à traiter”).  Lors de l’affaire des mangues franciques, un indicateur du “mal économique” du pays, penser autrement la production nationale de manière structurelle n’a jamais été un sujet d’intérêt pour beaucoup, alors que les responsables avaient besoin d’être guidés.  Fallait-il attendre cette triste situation pour que le Président reparle de la production nationale et buter encore à de virulentes critiques ?  Malgré tout, son idée de production nationale a reçu l’approbation générale, mais rien n’y a été ajouté ni enlevé par les techniciens pour davantage alourdir l’atmosphère.  

Aussi juste que soit l’idée de production nationale, il faut la travailler pour non seulement déterminer sa nature, mais aussi dessiner la structure de la nouvelle réorganisation économique sous un nouveau système de gouvernance.  Partageant l’idée de production nationale, il est impératif d’opter pour une stratégie de substitution à l’importation des biens manufacturés aux fins de relancer la production industrielle et d’alimenter un flux de revenu régulier pour garantir un pouvoir d’achat.  Relativement à la production vivrière, elle a une plus forte capacité de création d’emplois pour élargir la base du revenu national capable d’engendrer un plus haut niveau de vie.  L’incapacité naturelle de l’agriculture de nourrir beaucoup de gens et l’inefficiente gestion/utilisation des ressources dans le cas d’Ayiti constitueraient un handicap majeur à toute relance économique, si la production nationale supposait l’axe vivrier.  Même avec une meilleure gestion accompagnée d’une production biologique agressive, il est fort douteux que les rendements souhaités soient au rendez-vous avec seulement 1/3 de terre arable dont une bonne partie est minée par l’érosion ou utilisée à d’autres fins. 

V :  La plaidoirie pour un pouvoir d’achat garanti

Si l’idéal est l’auto-suffisance alimentaire, il faut prendre en compte ces contraintes et la tendance à consommer d’autres types de biens aussitôt que le besoin alimentaire est satisfait.  Avec un faible pouvoir d’achat, ce comportement transitoire respectif à l’amélioration des conditions de vie serait inhibé au point de ralentir le progrès économique.  L’abondance alimentaire n’a jamais été réputée pour élargir la base du revenu national et ce ne sera pas différent dans le cas d’Ayiti.  Telle est la logique économique favorisant une stratégie de production nationale axée sur la renaissance des petites industries locales pour non seulement renforcer le pouvoir d’achat, mais aussi pour la production des biens manufacturés importés habituellement.  Cela veut dire qu’aucune réduction de prix des produits de première nécessité ne peut réduire la misère de certains.  La réduction de prix qui n’est pas une élimination ni une subvention totale conserve quand même un niveau de prix.  Ce qui rend toujours le produit inaccessible.  Même si le produit coûte un centime, celui qui n’a pas cette somme requise en poche ne peut l’acquérir et est exclu du marché en conséquence.  

Comme le prix est un outil d’exclusion par excellence, toute velléité d’un gouvernement qui souhaite atténuer le sort d’une population est de donner à chacun la possibilité d’avoir un revenu régulier pour lui garantir un pouvoir d’achat stable.  Lors, il serait plus facile au gouvernement de mieux formuler ses politiques de subvention ciblées.  C’est une initiative actuellement impossible dans le pays en raison, de l’absence d’un système d’identification de ses citoyens dès leur naissance, d’un système fiscal défectueux qui ne permet pas d’évaluer/de vérifier leur capacité financière, ni de capter rationnellement leurs transactions sur le marché, et de l’incapacité des autorités de les localiser avec exactitude.  Ceci dit, toute subvention envisagée serait pervertie en devenant générale pour rendre bénéficiaires aussi ceux qui n’en ont pas besoin, comme M Kesner Pharel l’a déjà si bien expliqué.  Il en est de même pour une réduction de taxe sur les produits alimentaires ; car seuls les capables vont en bénéficier pendant que les moins capables comme bénéficiaires légitimes vont être les premiers à en jouir moins.    

VI :  Le choix des activités porteuses

L’argumentaire est que celui qui travaille et reçoit un revenu régulier a un pouvoir d’achat garanti.  En posture de budgétiser son revenu si peu qu’il soit, il saura comment tenir le coup tant bien que mal.  Cependant, le faible revenu à tirer de l’abondance alimentaire rendrait incertaine sa survie économique en raison des caprices de la nature qui peut gâcher une récolte prometteuse ou de la fluctuation des prix des produits agricoles déterminés sur le marché international dans le cas où il exporte le surplus.  Le fait que le pays n’a aucune influence sur la détermination du prix de ses biens au niveau du marché international, la chance de gagner beaucoup est considérablement réduite.  Toutefois, la voie vivrière est loin d’être négligeable, si elle ne peut pas paver le chemin.  Dans ce cas, toute allocation de ressources visant à relancer l’économie devrait placer l’industrialisation par la substitution à l’importation en premier ordre suivie de la production vivrière sur l’échelle de priorité.  Vu que la probabilité pour le pays de continuer à importer sa nourriture est grande, il est absurde de faire de la production alimentaire son cheval de bataille.  Peu importe son niveau de production, il faudra toujours importer pour compenser son insuffisance. 

Ceci étant dit, le pays devrait asseoir ses nouvelles politiques économiques sur l’exploitation du secteur primaire non pour produire uniquement des denrées alimentaires, mais pour produire des matières premières nécessitant une transformation intense pour la consommation de masse.  Alors que dire de la mise en place de l’industrie textile en passant par la production massive du coton, lequel sera transformé en fil, teint et tissé, à la confection des vêtements comme produits finals ou d’autres accessoires textiles pour l’usage quotidien de tous.  Que dire de la mise en place de l’industrie de chaussure en passant par l’élevage pour la production du lait et produits dérivés, au cuir pour alimenter la maroquinerie et répondre aux besoins de se chausser, d’ameublement etc.  Le judicieux vient de l’élevage qui constituerait une stratégie mixte dans le choix de la production alimentaire.  Etant une source de production très riche en protéine avec la viande et le lait, il serait complété par l’importation des céréales comme le blé, le maïs et le riz cultivés en partie pour assurer la consommation de calories dont la combinaison devrait aider à maintenir la balance nutritive de la population.  

Il suffit d’agencer cette stratégie pour déterminer :  
  1. quoi produire ;
  2. les régions affectées à tel type de production suivant leur avantage comparatif des coûts de production (Voir Le Nouvelliste, 16 mai 2006 ; Jean Poincy : “Pour un nouvel ordre économique en Ayiti”) ;
  3. les types d’activités à entreprendre par le privé et par le public respectivement sans que l’un empiète sur l’autre ;
  4. l’échéance pour la réalisation du maximum dans 10 ans ;
  5. le degré d’ouverture du marché local pour la libre entreprise ;
  6. les politiques commerciales visant à protéger les industries naissantes en décourageant l’importation des produits concurrents, et promouvoir l’exportation des produits locaux du pays.


Jean POINCY
Juin 2008

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