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FÒK SA CHANJE

vendredi 16 avril 2010

De la déconfiture de l’Université d’Etat d’Haïti


Il est inimaginable qu’un simple conflit académique, à la Faculté de Médecine et de Pharmacie (FMP), puisse déboucher sur une crise insolvable, alors qu’il existe une unité de gestion académique habilitée à traiter des questions académiques, et résoudre les contradictions qui en résultent. D’une manière générale, une université tente toujours d’apporter des éléments de réponse aux problèmes de société, mais l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) ne joue pas ce rôle qui lui est dévolu en plongeant le pays dans un bourbier. Cette incapacité de trouver une issue louable à un différend mineur entre étudiants et responsables d’une faculté met en échec le système de gestion académique en transformant l’inquiétude des étudiants en un désordre social. Ce qui paralyse le fonctionnement de l’UEH, et engendre des externalités négatives sur le reste de la collectivité. De telle circonstance rend légitime l’implication de l’Etat constitutionnellement tenu à l’écart des affaires de cette entité Etatique autonome. Malheureusement, le Comité de Facilitation (CF) formé en conséquence n’a pas su livrer la marchandise comme requis par le commanditaire. C’est donc un retour à la case départ soldé cette fois-ci par l’incarcération indue des membres du corps académique d’une faculté sous le regard indifférent des responsables de l’université. Bien que regrettable, c’est un état de déconfiture de l’UEH qui remet la pendule à l’heure pour repenser le fonctionnement de l’UEH dans toutes ses dimensions.

Ce texte tente de comprendre les dessous d’un problème académique devenu une crise insolvable. Dans un premier temps, il explique le dilemme des acteurs de l’UEH concernés par la crise en esquissant leurs positions naturelles, et en faisant ressortir l’origine de la crise et les causes de l’échec du comité de facilitation. Dans un deuxième, il soutient que le déficit de leadership qui réduit le rôle des responsables de l’UEH à la stricte gestion d’un conflit récurrent, découle des failles du processus de choix des dirigeants pour qui la concurrence dans un système démocratique est répulsive.

I : Le dilemme de la crise à l’UEH

Toute situation litigieuse où la nécessité de coopérer est exclue pose un dilemme, parce que trouver une solution ‘maximisatrice’ pour les parties prenantes sans l’aide d’un tiers est difficile. Cependant, avec la présence d’un médiateur, une évaluation correcte des sources du conflit s’impose pour ne pas faire pencher la balance. Dans le cas contraire, la crise perdure et devient insolvable. Dans cette perspective, il convient d’investiguer le cas de l’UEH ?

a) De la rationalité des parties prenantes de la crise

Comment un problème de curriculum justement posé au sein d’une faculté s’est-il transformé en un désordre social ? La réponse est simple. Les étudiants pris dans l’engrenage d’un système académique défaillant cherchent l’écoute appropriée qu’ils ne trouvent pas auprès des responsables. Dans l’incertitude absolue, ils ont un comportement humain, et réagissent comme tout individu égoïste et rationnel pour défendre leurs intérêts, indifféremment des externalités négatives que puissent causer leurs actions. Limités dans leur capacité d’actions, de contrôle de certains paramètres et de prévision, et n’ayant aucune emprise sur la position des responsables qui eux-mêmes ont un comportement humain similaire en refusant de fléchir leur position d’autorité, ils (les étudiants) font face à un obstacle les portant vers des stratégies les plus appropriées, selon eux, pour avoir gain de cause. C’est une situation de non-coopération où chaque partie souhaite tout gagner avec agressivité.

Que coûterait-il aux responsables académiques de l’UEH de profiter de cette crise pour repenser son système académique désuet ? Doivent-ils attendre la réforme qui n’arrive pas, faute de moyens financiers ? Qu’est-ce qui les empêche de faire une proposition de réforme académique malgré les contraintes financières ? Ils sont les seuls aptes à y répondre. Néanmoins, il est juste de rappeler que le conflit prend sa source du format séminaire de certains cours assurés par des professeurs étrangers non résidents du pays. N’ayant pas préparé une pépinière de professeurs pouvant assurer la relève, la coopération avec l’étranger a été le seul recours de la FMP pour combler le vide créé par le départ de certains professeurs.

b) De l’origine de la crise

Aussi louable que cette stratégie puisse être, elle est vouée à l’échec parce que suivre des cours-séminaires exige une certaine maturité académique qui fait défaut chez les étudiants admis à l’UEH. D’ailleurs, l’objectif d’un cours-séminaire est de renforcer certaines connaissances déjà acquises dans un domaine et non d’apporter les rudiments y relatifs. Cela requiert des participants une indépendance d’actions dans le processus d’apprentissage que ces étudiants arrivés directement du cycle classique n’ont pas, et une disponibilité de documents/d’ouvrages dans le domaine pour faciliter l’apprentissage autonome. C’aurait pu être possible si, et seulement si, la formation académique était structurée de manière à inculquer aux étudiants les techniques d’apprentissage autonomes.

Tel est le moindre souci de l’UEH qui n’entend pas rénover ses méthodes d’apprentissage comme la dictée de notes et le ‘parcoeurisme’. Même si pour la FMP une forte capacité de mémorisation est requise, introduire les étudiants prématurément dans ce domaine hautement spécialisé, sans une formation universitaire basique, fait du tort au citoyen-médecin que l’UEH doit mettre au service du pays. En toute logique, le format séminaire des cours à la FMP ne peut que provoquer des remous au sein des étudiants perdus dans le labyrinthe académique de l’UEH. Si les responsables sont à court d’idées et préfèrent le jeu de force au compromis, la résultante ne peut être que cette crise insolvable.

c) De l’échec du Comité de Facilitation

Relativement dans le délai imparti, le Comité de Facilitation livre la marchandise à la mauvaise adresse. Ses propositions tombent hors la ligne de sortie de crise à l’université. Elles n’abordent pas l’académique qui est la source même du conflit à résoudre, voire inviter les responsables de l’UEH à repenser le système académique pour une solution durable dans toute l’université. Dans tout processus de résolution de conflit, il faut toujours tenir compte des paramètres suivants : 1) les intérêts ou revendications diamétralement opposés des parties en litige, 2) la position de force d’une partie par rapport à l’autre, 3) la possibilité d’une jouissance équitable où les parties peuvent se retrouver, 4) une formule de compensation en faveur de la partie dont le degré de jouissance est moindre que celui de l’autre, et 5) la nécessité d’amener sur une même table les parties en conflit pour négocier une solution équitable.

N’ayant pas jonglé avec ces déterminants, le CF a fait le plus facile : légitimer, les plaintes des responsables de l’UEH relatives à un manque de ressources pour mener à bien les affaires de l’université, et celles d’un nombre d’étudiants évoquant l’absence d’assistance sociale face à leur précarité financière. L’énoncé du CF peut être résumé en trois points : 1) le respect du contrat électoral envers les responsables pour garantir leur mandat et ne pas créer un précédent, 2) l’octroi de l’assistance sociale aux étudiants pour tempérer leurs pulsions revendicatives et violentes, et 3) la reprise du refrain de réforme à l’UEH de plus de deux décennies. Cette proposition est loin d’être une sortie de crise. Ignorant que la crise est liée à la structure académique de l’ensemble de l’UEH, le CF fait la planche et fait du social un levier majeur de sortie de crise. Ce ne sont que des palliatifs capables d’atténuer les symptômes en attendant la résurgence du problème. Le système de gouvernance de l’UEH et la structure académique défectueuse qui sont la source réelle des maux de l’UEH, n’ont pas fait bonne figure sur la liste du CF. Que faire alors ?

II : La mise en cause du leadership

Les propositions du CF reproduisent la litanie de toujours sans concrètement aborder les causes réelles d’un problème chronique qui mine l’université. En conséquence, il est judicieux d’attirer l’attention de tous ceux qui sont intéressés à bien comprendre la situation, sur la qualité du leadership à l’UEH et du processus de choix de ceux appelés à gérer les affaires de l’UEH.

a) De la grandeur d’un leader

Concrètement rien ne peut être fait de la proposition du CF ; et autant que la situation s’éternise, l’UEH risque de perdre son autonomie par le contrôle de l’Etat qui finance son existence. Les responsables doivent en prendre conscience pour donner une réponse conséquente. A ce tournant, il n’est plus question de conservation d’un poste ni de fierté quand un dirigeant cesse d’être porteur de solutions. La survie d’une faculté et de l’UEH, et non l’honneur de celui-là devient l’enjeu. Quand dépassé par les événements par la perte de contrôle d’une situation, un leader conséquent tire sa révérence pour ne pas rendre sa gestion davantage coûteuse et pour faciliter une gestion alternative aux fins de protéger ou sauvegarder l’entité qu’il dirige. L’échec d’une décision ne soustrait aucunement sa grandeur. Toutefois, la perte de celle-ci en résultera, s’il y a refus d’admettre son échec, et l’insistance de se préserver dans la fonction après avoir perdu toute capacité de gestion.

Dans le cas de l’UEH, cet état d’âme prédomine chez les dirigeants. Il s’agit d’un statut de dirigeant à conserver au détriment de la fonction de l’université comme véhicule de connaissances. La manipulation sans réserve de la faiblesse de ceux qui sont appelés à les choisir importe plus que la livraison de la marchandise. C’est une tare qui convertit l’UEH en une arène politique plutôt qu’en un lieu de création et d’acquisition de connaissances. Telle est la source principale des problèmes survenus à l’UEH que le CF n’a pas su toucher dans sa quête de sortie de crise. Plutôt, ses propositions préconisent le maintien des responsables à leur poste pour ne pas créer un précédent sans tenter de comprendre les procédures et conditions devant les porter au timon des affaires. Il ne faut espérer aucune solution durable à l’université sans une réadaptation de la structure de gouvernance à partir d’un autre système de choix des leaders. Offrir des avantages sociaux aux étudiants qui sont des pauvres académiques ou davantage de fonds à l’UEH pour mener à bien la réforme sont très loin de faire l’affaire.

b) Du choix des dirigeants à l’UEH

Si le CF comprenait que le problème actuel est inhérent à la défaillance académique plutôt qu’à la situation sociale des étudiants, il opterait pour une étude profonde du système de gouvernance à l’UEH qui défie tout principe moderne de gestion allant de la gestion de l’académique, du personnel administratif, du corps professoral au maintien physique des entités de l’UEH. Ce serait déjà un pas vers la résolution du problème de gestion académique compromettant non seulement son autonomie vis-à-vis de l’Etat qui assimilerait la perversité de la crise comme un justificatif d’une prise en charge de l’UEH, mais aussi son existence comme entité de formation supérieure, face à une juste compétition des universités privées où déjà les familles fuient l’UEH en raison de l’instabilité chronique qui y règne et font choix des universités privées, de la République Dominicaine ou d’ailleurs dépendant de leur capacité financière.

L’éventuelle perte d’autonomie de l’UEH invite à repenser les procédures de choix des leaders appelés à gérer l’UEH et la pratique académique désuète qui ‘médiocrise’ les étudiants. En effet, le type de dirigeants détermine l’efficacité d’un système académique à mettre en place pour faire exactement ce qui est requis de l’UEH dont l’échec ou le succès d’une entité en dépend. Dans ce cas, il faut comprendre le choix d’un dirigeant qui n’est pas disponible et disposé à remplir une fonction à temps plein comme dirigeant d’une faculté parce qu’il occupe un nombre de fonctions dans la société qui outre le poste de dirigeant à l’université n’ont rien à voir avec l’académique ; et ceci sous le regard passif des responsables de l’UEH qui savent très bien que le système l’interdit.

c) De la nature maligne du processus

La quête d’un poste de gestion d’une faculté ou de l’UEH même est réduite à la simple expression d’un pouvoir politique capable d’assurer les privilèges d’un statut social. Le danger à l’UEH est la forte présence de ceux qui refusent de la voir comme le terrain où germine l’intellectualisme pour porter des solutions appropriées aux problèmes de société. Si le problème à l’UEH est académique et qu’un dirigeant n’est pas là pour l’académique, tenter de résoudre la crise sans poser le problème du processus de choix des dirigeants est un travail de Sisyphe. Etant donné que l’accession à un tel poste se fait par des élections, beaucoup d’intéressés s’arrangent pour empêcher tout jeu de compétition que requiert une démarche démocratique.

Reconnaissant que la compétition exige la capacité et la compétence pour triompher, ceux qui sont qualifiés/compétents ou non, ou qui ne sont pas disponibles sont nombreux à recourir à des détours qui défient toute logique intellectualiste dans une course vers un poste de dirigeant à l’UEH. Avec la vision souvent absente, l’accession au poste de leader ne peut aboutir à des résultats escomptés lors du processus électoral. Si les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous et le désir de gagner juste pour gagner un titre demeure, quels peuvent être les outils disponibles si ce n’est de soudoyer un électorat dans une situation précaire ? L’électorat devrait être guidé vers des objectifs essentiellement académiques. La choquante réalité est que celui-ci est disposé à quitter l’arène morale pour ne pas être victime de la malchance d’évoluer dans un pays pauvre. La perception du processus démocratique des élections à l’UEH est triste. Nombreux sont les challengers et sympathisants qui réduisent le choix démocratique d’un leader d’université à une politique primitive où tout se fait pour gagner et pour conserver le poste.

d) De la concurrence tordue à l’UEH

Quand on veut s’approprier d’un système indéfiniment et que les techniques de faire sont ignorées, la tendance est de ne pas répondre aux exigences des principes de fonctionnement, d’écarter les principes de faire déjà établis sans les remplacer, ou d’alimenter l’instabilité. Telle est par extension, la politique du maintien du pouvoir sans devoir remplir la mission de la fonction. On peut comprendre la mise en léthargie des Dispositions Transitoires (DT) un outil par quoi tout le monde veut jurer par démagogie, mais qui peut constituer un frein aux visées politiques de beaucoup. Toute tentative d’observer les normes régulatrices de l’université est faite de manière à exclure et refermer le cercle.

Par exemple, les principes de départ des DT sont pervertis pour barrer la route à tous ceux qui ne sont pas déjà membre du conseil de 36 membres de l’UEH. En l’occurrence, un candidat non-membre de ce groupe qui brigue un poste du conseil exécutif est parti défavorisé par un refus de son droit de vote aux élections pendant qu’un membre concurrent jouit pleinement du sien. Entre autres, la tentative d’unifier/d’harmoniser le processus électoral à l’UEH est une farce. La charte électorale comme outil démocratique pour élire les leaders est conçue expressément pour ne pas être un jeu démocratique équitable. Outre le blocage technique à un candidat non-membre du conseil, il y a la formulation des calculs de vote qui défie toute logique mathématique pour réduire le pouvoir des étudiants d’élire les membres des décanats. En raison de leur nombre, il fallait dissimuler des balises les empêchant d’élire facilement un dirigeant. Concrètement, les provisions créent une nette distorsion de comment se déroulent les élections au niveau du conseil exécutif, et du décanat des facultés. D’ailleurs les procédures ne sont pas les mêmes à tous les échelons alors que chacun devrait être le reflet de l’autre dans une structure de gouvernance.

Si les idées fortes des revendications sont justes, les raisons réelles sont à deviner ou à trouver. Le réel académique y est chroniquement absent. Souvent portées par des étudiants qui veulent s’affirmer, se donner une certaine visibilité à l’UEH, acquérir le pouvoir, ou réduire leur précarité, les approches mettent en péril toute initiative démocratique de faire avancer l’académique à l’UEH. Ceux qui briguent les postes en profitent aux fins de conserver le pouvoir au détriment de l’académique. S’ils peuvent être élus en satisfaisant des revendications ponctuelles à quoi sert l’avancement académique à l’UEH ? Ce sont des parties de la plaie qui peuvent permettre de comprendre les incessantes manifestations des étudiants. En faire abstraction tend à fausser toute proposition de sortie de crise. Les responsables de l’UEH doivent pencher sur ces problèmes pour sauver l’UEH de sa désintégration. Ils sont les seuls à comprendre et reconnaître ces problèmes imperceptibles à ceux qui ne vivent pas le processus. Il est encore temps !

 
Jean Poincy
Décembre 2009

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'UEH est en mal de naitre. Que peut-on faire?


WaSainrisma