Le 12 janvier 2010 n’a pas détruit Ayiti, mais a créé une juste occasion pour réanimer un pays déjà en agonie. Cependant, six mois après, les sempiternelles chamailleries politiques augmentent le risque de ne jamais s’en sortir. La coopération et le concept ‘donnant-donnant’ dans le politique n’étant toujours pas appréhendés comme essentiels à l’harmonie collective, les acteurs politiques vont rater encore une fois l’opportunité de refondre le pays. Pendant qu’ils ne démontrent aucun penchant vers la coopération, leurs discours confondent des actions palliatives au changement structurel pour faire de la reconstruction un refrain, alors qu’il s’agit pratiquement de la refonte intégrale du pays pour un nouvel ordre social. Si l’idée des précédentes tentatives de refonte jusqu’à date était juste, le fait que les concepteurs ont fait abstraction de l’interdépendance entre le politique et l’économique, les multiples constitutions n’ont jamais abouti. Ainsi maladivement conçue, Ayiti subit de tout temps un conflit politique chronique et une gestion catastrophique de ses ressources.
Pour une marche arrière de deux siècles
Aujourd’hui, le pays cherche à consolider les promesses financières de la communauté internationale en guise de penser au comment refondre le pays. Revivre comme avant prend le dessus sur la nécessité d’un recul. Ainsi le temps passe sans poser des actions concrètes pour donner lieu à la déception collective. Pourtant, ce ne serait pas un mal si la période d’inertie était consacrée simplement à la conception d’un plan national pratique pour recommencer comme s’il s’agissait du jour de la victoire de la guerre de l’indépendance. Faire une marche arrière de plus de deux siècles, serait plus rationnel que de continuer dans le même sens. Il n’est pas question de transition ni de reconstruction, mais de rebrousser chemin.
Les Etats-Unis en exemple
Les Etats-Unis dans une situation similaire ont pris cette résolution 11 ans après leur indépendance en 1776. La confédération remise en question a été renégociée pour refondre la nouvelle nation avec une nouvelle constitution en 1788, et jeter les bases d’un puissant système économique. Oui, Ayiti n’est pas les Etats-Unis, l’écart du temps écoulé est énorme entre eux, et Ayiti a déjà connu plusieurs tentatives, mais le besoin est le même. Comme les acteurs politiques du moment sont plus avisés que ceux d’hier, il serait sage et approprié de prendre en exemple la démarche des Etats-Unis. Le récent désastre, qui est un indicateur parfait de la nécessité de refondre le pays, devrait les porter à reprendre les termes de la coopération. D’ailleurs, la présente constitution remise en question était en passe d’être amandée. Donc, au lieu de s’entredéchirer sur la faisabilité des élections, concerter seulement sur le principe de renégociation du contrat transcenderait la primitivité politique et réparerait les fautes politiques.
Conséquence du jeu politique à somme nulle
Si la survie collective dépend de la nécessité de coopérer, les acteurs politiques doivent s’approprier du principe ‘donnant-donnant’ pour éviter un jeu politique à somme nulle qui ne garantit aucun gain continu à quiconque. Le perdant, lésé et non-récompensé s’arrange toujours pour tout perturber. Une animosité réciproque peut en résulter pour faire naître un comportement collectif anarchique et autodestructeur. Le 29 février 2004 qui a consacré la perte de Fanmi Lavalasse sans concrètement donner gain à l’opposition en est une parfaite illustration. Le pays ne s’en est pas encore remis. N’ayant pas appris cette leçon, l’effet à appréhender est la désintégration imminente du pays déjà handicapé par le séisme.
Accord sur le principe de renégociation du contrat
L’heure n’étant pas aux élections ni à la reconstruction comme perçues, il faut s’accorder sur un principe de départ, entamer ensuite les discussions sur un contenu pratique et simple, pour au moins redémarrer le pays par un consensus avec un nouveau gouvernement le 7 février 2011. En toute logique, une constitution expéditive devrait être la préoccupation de tous pour profiter du recul offert par le séisme. Conçue sur deux piliers, la nouvelle constitution indiquerait comment organiser le territoire pour asseoir la puissance économique du pays, donner un meilleur accès aux ressources disponibles, et distribuer le pouvoir politique pour une meilleure gestion de droit d’accès et d’actions dans le vivre-ensemble. Aucune loi autre que les principes généraux et flexibles d’une constitution, n’est apte à organiser initialement le territoire, ni définir le droit de chacun vis-à-vis de l’autre en collectivité. L’objectif d’une telle approche est de mettre fin à la dépendance financière du pays vis-à-vis de la communauté internationale pour le rendre économiquement et politiquement viable, et faire de lui un juste partenaire du reste du monde.
Redéfinition du jeu collectif
Les acteurs politiques auraient pu profiter de ces six mois pour accoucher une constitution toute neuve qui redéfinit la justice collective, la fonction de l’Etat et du privé dans l’exécution des principes fondamentaux. En facilitant aux individus l’accès à tout pour mieux satisfaire leurs intérêts, tout déséquilibre serait remédié au nom de la justice et de l’équité. L’Etat, qui est un veilleur de nuit, aurait un apport administratif lui permettant de résoudre les conflits inhérents au vivre-ensemble quand chacun est en quête de son bien-être économique. Vu que l’espace et les ressources sont à partager, il convient d’orchestrer une division territoriale selon la capacité naturelle de production de chaque région pour répondre aux besoins de consommation de biens et de services de ses habitants et ceux du pays en général. Réparties suivant les priorités, le contexte et le temps, les différentes activités économiques devraient pouvoir assurer un revenu régulier à chacun dans sa région respective. Sans forcing, cette démarche engendrait : le développement économique de chaque région en toute interdépendance, une décentralisation automatique des services publics, la débidonvillisation des régions urbaines par un flux migratoire interne inversé, et une réduction significative de pauvreté en conséquence.
L’économique comme pivot
Etant la source première d’inégalité et d’injustice, l’économique, le pivot de toutes initiatives politiques, si ignoré, conduit certainement vers l’échec, ce que valident les actions politiques en Ayiti posées uniquement pour la quête ou la préservation du pouvoir. L’obligation collective d’un gouvernement est de garantir à chaque individu son droit de propriété, de partage équitable, et d'actions économiques à son profit. Cela demande une structure administrative permettant une allocation efficiente et une exploitation optimale des ressources dont les modalités sont fonction de la nature du système économique.
Deux conditions accompagnatrices
Deux conditions doivent accompagner la nouvelle donne. Ce sont : l’égalité des droits et devoirs de tout citoyen, et l’existence d’un système compensatoire pour corriger toute injustice sociale. A défaut de quoi, l’injustice comme source d’instabilité collective continuera d’y régner. Ces principes fondamentaux rendraient égale la chance de chacun de bénéficier ou pas selon le contexte et le moment d’une action affectant la collectivité. Une telle condition met le politique au service de l’économique pour garantir à chacun la capacité de se réaliser sans être perturbé par quiconque. Si l’économique est source de conflits qui à son tour justifie l’existence de l’Etat, son rôle dans le nouvel ordre social doit être prépondérant parce que chaque individu indistinctement s’y adonne d’une manière ou d’une autre pour survivre.
Jean POINCY
Juillet 2010
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=81055&PubDate=2010-07-09
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