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FÒK SA CHANJE

mardi 25 mai 2010

Quel ‘corps-administrateur’ pour des élections acceptables en Ayiti ?


La chamaillerie des politiciens qui résulte toujours de l’organisation des élections pour la prise du pouvoir en Ayiti expose la défectuosité du système électoral. D’un côté, le ‘corps-administrateur’ des élections, dénommé Conseil Electoral Provisoire, n’est jamais devenu le Conseil Electoral Permanent (CEP) comme prévu par la constitution. De l’autre, la passation du pouvoir d’un individu ou groupe à un autre produit un vacarme électoral à chaque fois. En effet, ce ‘corps-administrateur’ est constamment accusé de fraude électorale, de malversation ou de corruption en faveur de l’exécutif doté du privilège d’initier les élections. Une vingtaine d’années plus tard après la tentative d’application des provisions électorales, on parle encore d’un conseil électoral provisoire en complicité avec l’exécutif qui veut s’approprier du Tout pouvoir au cours des prochaines élections présidentielles et législatives. L’inquiétante ironie est que ces élections sont dues au moment où il faut reconstruire le pays suite au désastre du séisme du 12 janvier 2010.

Au risque de faire avorter le processus, les partis politiques opposés au gouvernement en place exigent un remplacement de l’actuel conseil électoral provisoire, une revendication qui porte le président René Préval à lancer un défi. C’est celui de présenter une meilleure formule d’organisation des élections, parce qu’il n’en possède pas lui-même. Telle est une tentation de reprendre un texte traitant spécifiquement de la faille constitutionnelle relative à la formation du corps-administrateur et d’une formule d’organisation des élections crédibles. La proposition faite montre qu’il suffit de repenser les principes régissant la création d’un corps-administrateur des élections. La simplicité de son exécution offre la latitude d’invalider le concept d’un conseil électoral permanent, de concevoir des règles électorales indexées à l’évolution du temps, de démarrer la machine électorale immédiatement et d’assurer la continuité du processus électoral toujours avec un corps-administrateur.

Dans cette perspective, il s’agit :
  1. de faire état de la nature du conseil électoral et de ses tares comme conçu par la constitution ; 
  2. d’identifier la question de représentativité au sein du conseil électoral comme un faux problème ;
  3. d'exposer les aspects débiles du concept de conseil électoral permanent ;
  4. de présenter la formule idéale pour la réalisation des élections acceptables et de conclure en soulignant l’impératif catégorique dans le politique.
I : La nature du Conseil Electoral
  1. Les articles 191 et 192 de la constitution de 1987 font de l’organe administratif habilité à coordonner les élections une institution permanente et indépendante avec des membres inamovibles pendant neuf ans.
  2. Elle serait le Conseil Electoral Permanent (CEP) représentatif des neuf départements, si et seulement si des élections correctes étaient réalisées par un conseil électoral provisoire. 
  3. La formation de ce dernier doit être confiée à l’exécutif avec l’apport des autres secteurs.
Les tares du processus de choix des membres du conseil électoral

Depuis 1987, il n’y a jamais eu d’élections acceptables pouvant enfanter le CEP. Aujourd’hui, il est encore question du conseil électoral provisoire. Pendant que celui-ci n’inspire jamais confiance, un problème de représentativité révolte toujours les partis politiques participant aux élections. Etant donné que toutes les parties prenantes ciblent une majorité importante dans les assemblées, leurs stratégies de gain sont semées d’astuces pouvant faire pencher le processus électoral vers un parti ou un autre. Pour assurer une position solide à l’issue des élections, il revient de courtiser les membres formant le conseil électoral provisoire. Ce qui fait toujours pétiller un conflit autour du choix de ceux-ci.

Le germe du conflit est la possibilité qu'a le conseil électoral provisoire de favoriser davantage le pouvoir exécutif. Les sympathisants du parti en poste exécutif seraient les élus qui à leur tour organiseraient le CEP comme la constitution l'exige. Dans un tel contexte, un cercle vicieux prendrait forme autour du pouvoir exécutif en portant préjudice au système démocratique et excluant techniquement les partis opposant l’exécutif. Dénué de pluralisme et de tolérance, le système politique serait dominé par un seul parti pendant une longue période.

La responsabilité de l’exécutif de former le conseil électoral provisoire pour organiser les élections devient un élément de discorde politique. En effet, la formation dudit conseil provoque des échanges intempestifs et de querelles intestines. En absence de ces problèmes, les tares inhérentes à la nature du conseil électoral provisoire referont surface dans l’ombre du conseil électoral permanent même après des élections correctes tant attendues. Le mal réside dans l’idée de représentativité, sa nature permanente et l’inamovibilité de ses membres ; ce qui remet à une somme nulle l'idée de le libérer de la corruption.

II : La représentativité : un faux problème

La nature uniforme des procédures administratives des élections présidentielles, législatives et municipales va à l'encontre du sens de représentativité. Dans une affaire collective, la représentativité exige la coexistence des intérêts et des points de vue divers, mais à concilier pour une solution équitable. Si pour obtenir des résultats justes, il nécessitait des principes consensuels, avoir des voix différentes rendrait la tâche impossible. Toutefois, ces principes uniformes devraient être érigés initialement par les membres de l'assemblée représentative et non pas par les membres du conseil électoral. Ceci dit, les membres du conseil électoral n'auraient pour rôle que celui d'appliquer les principes déjà établis. Le défaut dans l'existence d'un conseil électoral comme envisagé est l'absence des procédures préétablies, par la constitution ou par d'autres lois, pour la conduite des élections.

Vouloir ou avoir un conseil électoral représentatif des neuf départements du pays est loin de rendre équitables les résultats des élections, si le pouvoir de mettre au point les procédures d'organisation est transmis aux neuf membres avec des visions divergentes. C'est une erreur constitutionnelle donnant lieu aux penchants idéologiques, au fanatisme politique, à l'absolutisme politique et aux fraudes électorales. Tenant compte de ces négativités, le salut des élections démocratiques doit dépendre des lois électorales préétablies que les membres du conseil doivent respecter et exécuter. Elles doivent être indexées à l'évolution politique de la société dans le temps. Donc, la représentativité des secteurs dans le conseil électoral est un faux problème et est de très mauvais goûts. Elle ne tient pas compte de la mosaïque sociale du pays en excluant d’autres composantes de la société.

III : Les aspects débiles du CEP

Une réflexion plus profonde sur l'essence du conseil électoral permanent permettra de comprendre que les procédures électorales seront d'un caractère provisoire pendant et après le terme de neuf ans des membres constituant le conseil. Vu qu'il n'existe aucune provision pour des lois électorales permanentes, les membres, selon leurs caprices, pourront changer les principes qu'ils auront formulés, et ceux qui vont les remplacer pourront en faire autant. N'est-ce pas là une illusion politique de vouloir éliminer toute forme de corruption au sein du conseil électoral en le rendant permanent ?

Le CEP préconisé par la constitution comporte des défauts l'empêchant de garantir des élections acceptables. Un comité d'une durée de neuf ans muni d'un pouvoir administratif pour organiser les élections sur le territoire national penchera vers l'arbitraire par son caractère inamovible. Sachant qu'ils ne seront pas destitués, les membres cultiveront un certain attachement aux postes comme une possession privée. Aussi, prendra forme un intérêt personnel à gagner du pouvoir au-delà de l'organisation des élections auprès des pouvoirs exécutif et législatif en place.

Si ces deux derniers leur apportent un quelconque support, leur pouvoir absolu sera renforcé pour organiser des élections favorables aux patrons politiques. En conséquence, la permanence de ce corps sera un terrain fertile à la corruption. Ce cercle vicieux établi mettra en échec l'idée de faire obstacle au pouvoir exécutif ou aux autres secteurs d'influencer les membres du conseil électoral. En d'autres termes, sa longue période d'existence va à l'encontre de ce dessein. En outre, la question d’efficience administrative se pose sur son existence en période sèche où il n’y a pas d’élections.

Tel ne serait pas le cas si constitutionnellement ce corps était décrété provisoire pour une période définie correspondant aux élections en cours. Un conseil électoral permanent ne devrait jamais être considéré comme un outil capable d'assurer des élections démocratiques conformes. Parallèlement aux lois électorales permanentes qui seraient préférables, seule une obligation morale vis-à-vis de la société motiverait les membres à exécuter un travail juste. Cette dernière comme un caractère politique fait grandement défaut à une partie considérable des agents politiques Ayitiens. Malheureusement, ils sont ceux qui aspirent à gouverner en dépit du fait que le dilemme de coexistence du bien et du mal a le dessus sur leur jugement, et que le mal triomphe dans une situation paraissant plus avantageuse dans l’immédiat.

IV : La formule idéale pour former un ‘corps-administrateur’ des élections

Dans un esprit critique, il est proposé de modifier le canevas des procédures électorales en instituant uniquement un ‘corps-administrateur’ des élections qui sera régi par des lois électorales indexées à l’évolution du temps. En conséquence, le terme de conseil électoral permanent cesserait de figurer dans le glossaire politique du pays.

Ayant éliminé les défauts constitutionnels de l'existence d'un conseil électoral, des lois fixes devraient être aussi conçues pour choisir les neuf membres dans l'optique de biffer la question de représentativité et de soustraire le pouvoir exécutif de ce processus électoral. Le but ici est d'esquisser la méthode idéale.
  1. Pour devenir membre du ‘corps-administrateur’ des élections, la condition fondamentale est la citoyenneté d'un individu ayant un minimum de compréhension sur l'organisation d'un corps collectif et sur le processus de décision collectif. Comment déterminer cette qualification dépendra de certaines définitions légales ou officielles des critères !
  2. A cet effet, il faut créer un panier de membres potentiels du ‘corps-administrateur’ des élections d'où un choix aléatoire sera fait. Compte tenu des conditions légales de qualification préétablies, des consultations préliminaires ne seront pas nécessaires. Il faut noter que le processus doit être continuel pour maintenir un effectif satisfaisant dans le panier.
  3. Cette étape franchie, et six mois avant les élections, 20 membres potentiels seront sélectionnés et informés des règles mises au point par l’initiateur du processus en collaboration avec le pouvoir judiciaire et d’autres secteurs de la société pour organiser les élections.
  4. En raison du caractère aléatoire de ce processus, le groupe autorisé à faire ce choix importe peu. Par contre s'il est nécessaire, il peut être composé de 5 membres dont 1 de chaque branche du gouvernement : exécutive, législative, judiciaire, et de 2 du panier de membres potentiels crée. 
  5. Les 20 présélectionnés aléatoirement seront divisés en 5 groupes de 4 pour formuler les détails selon les règles générales. 
  6. Ensuite une évaluation et simulation de l'organisation des élections auront lieu. 
  7. La formulation optimale sera adoptée comme procédures finales et 2 membres de chaque groupe seront retenus pour donner un groupe final de 10 membres qui par la suite sera réduit à 9 pour l’esprit de la constitution si on veut. 
  8. Les 20 membres présélectionnés voteront pour l'exclusion du dixième membre. Toutefois, celui-ci bénéficiera d'office d'un poste d'observateur. 
  9. La formation du ‘corps-administrateur’ s'étendra sur trois mois et l'organisation des élections se fera au cours des mois restants de la période de six mois. 
  10. Ainsi formé, ce ‘corps-administrateur’ n'existera que pendant la période des élections pour être dissout après. Donc, à chaque période électorale, il y en aura toujours un nouveau régi par les mêmes lois.
    L’impératif catégorique dans le politique

    La situation exceptionnelle du pays justifie toutes mesures exceptionnelles à prendre. L’insistance dans l’irrationalité ne fait que soustraire le pays de son bien-être. Souvent l’idéal n’est pas de faire ceci ou de faire cela. Il faut faire ce qui est à faire même quand c’est impopulaire, surtout s’il y va du bien-être de toute une collectivité. C’est ce que fait l’homme politique rationnel, contrairement à l’homme politique irrationnel qui fait ce qui est impopulaire uniquement pour son propre bénéfice. La fonction de bien-être d’une société n’a jamais suivi et ne suivra jamais une courbe rectiligne. Tout politicien avisé doit pouvoir repérer les cassures pour s’y accommoder, car la voie droite n’est pas toujours la bonne. S’il faut penser à une quelconque popularité, il faut le faire en fonction du temps. Une décision impopulaire peut ne pas être avantageuse dans l’immédiat pour un politicien, mais son effet bénéfique peut lui rendre justice dans le temps. Donc, les autorités actuelles doivent user de leur pouvoir et faire preuve de courage pour se démarquer de la constitution et embrasser des approches contraires à elle là où la situation l’exige. D’où l’impératif catégorique dans l’art de gouverner.
    Jean Poincy

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