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FÒK SA CHANJE

samedi 20 mars 2010

Pour un nouveau système d’identification nationale


Le séisme du 12 janvier 2010 dévoile l’incapacité de l’Etat d’assurer l’organisation collective du pays. Outre le fait que l’Etat n’était pas en mesure d’initier une réponse immédiate à une telle urgence, ineffective qu’elle aurait pu être, il lui était impossible de gérer le flux des sinistrés qui envahissaient les places publiques. Dépassé par l’abondance de l’aide qui arrive de partout, il laisse la responsabilité aux donneurs d’aide ou agences qui les représentent. Ces derniers l’assument volontiers malgré leur méconnaissance du fonctionnement du peuple Ayitien et l’absence d’un système Etatique pouvant gérer des situations d’urgence. Le tohu-bohu autour de la distribution de riz met en évidence la faille du fonctionnement organisationnel de l’Etat. Celle-ci est étroitement liée à l’absence d’un système d’identification nationale permettant de reconnaître et de répertorier les individus occupant le territoire national, et d’assurer une allocation efficiente des ressources.

Ce texte fait une plaidoirie pour un nouveau système d’identification nationale devant assister l’Etat dans la gestion des affaires collectives et des ressources du pays. La distribution de riz est prise comme cadre de discussion, mais celui-ci aurait pu être l’incapacité organisationnelle de l’Etat face au déferlement de l’aide, la lenteur initiale au niveau des secours immédiats à apporter aux victimes, l’organisation de l’espace publique recevant les sans-abris, ou l’absence totale de l’Etat dans la définition des stratégies de distribution de l’aide par les agences etc. La discussion souligne un effet nul de la distribution de riz, montre la nécessité d’avoir un nouveau système d’identification nationale dont la justesse aiderait à éviter des incidences regrettables dues à une stratégie non-appropriée, et suggère que des cantines populaires seraient plus efficaces que la distribution de sacs de riz.

L’effet nul de la distribution de riz

La difficulté que pose la distribution de riz à Port-au-Prince risque de neutraliser le résultat recherché de l’assistance alimentaire apportée aux sinistrés du 12 janvier 2010. Si le choix de riz, l’élément principal du plat quotidien de l’Ayitien, est juste, l’option de distribution de sac de riz à quelqu’un est inefficace. En effet, le riz malgré son importance dans le régime alimentaire Ayitien, perd sa valeur quand l’obtenir et le conserver mettent en péril la sécurité des uns et des autres, et le préparer est une casse tête par l’absence d’un lieu pour la cuisson et nuit à la solidarité des familles victimes. En effet, vivre en plein air où les frontières familiales tombent, la sécurité individuelle est menacée, et quand chaque famille dans un coin partagé prépare sa propre nourriture avec les mêmes éléments, la solidarité collective nécessaire à la survie du peuple Ayitien dans un tel moment est compromise, outre un gaspillage de ressources.

Qu’en est-il réellement ? Nourrir les familles sinistrées ou simplement les pourvoir d’une ration alimentaire pouvant assurer leur survie au cours de quelques semaines à venir ? S’il était juste d’orchestrer une distribution spontanée de nourriture aux sinistrés les jours suivant le séisme, le mode actuel de distribution de riz ne rend pas justice aux bonnes intentions d’aider. Il y a une distorsion écartant certaines familles, soit par la localisation du point de distribution ou par l’expropriation des provisions alimentaires déjà acquises. L’une des causes est l’absence d’un système d’identification nationale qui aurait pu faciliter la distribution de riz et réduire ces incidences.

Toutefois, il existe déjà deux systèmes d’identification, qui ne sont d’aucun recours à l’Etat pour assister la population face à un tel désastre. En effet, il est incapable d’assurer sa fonction de gestion des ressources et de contrôle de l’existence des citoyens ou de la présence légale/illégale des étrangers sur le territoire national. Le premier, le système d’identification fiscale, n’est qu’un outil de collecte d’une injuste taxe d’existence imposée à tout citoyen, et le deuxième, le système d’identification électorale, ne fait qu’identifier les électeurs accomplis. Concrètement, ils ne répondent aucunement à la nécessité d’identifier tout individu aux fins d’assurer la sécurité collective et une gestion efficiente des ressources disponibles pour une allocation équitable.

Pour un nouveau système d’identification

Le regrettable séisme offre une opportunité au pays de pouvoir instituer le système d’identification qui lui fait grand défaut depuis son existence. Il rendrait légale l’existence ou la présence de quiconque vivant dans la société. Non seulement, il aurait permis à l’Etat de mieux estimer les cas de décès, de disparus et de survivants ou de faire un dénombrement plus exact seulement avec les numéros d’identité, mais aussi d’identifier une bonne partie de la population sinistrée selon la zone où certains groupes se réfugient. Ceci dit, son inexistence rend l’Etat impuissant face au récent désastre.

Le système prôné ici, rendrait possibles : l’enregistrement de l’existence de tout individu vivant sur le territoire, la gestion de la sécurité collective, le contrôle du flux migratoire interne par une simple déclaration de résidence, et une meilleure gestion des ressources des différentes zones géographiques. Qu’est-ce qui empêcherait aux responsables des centres de santé dans tous les coins du pays où les femmes donnent naissance à leur bébé d’attribuer un numéro d’identité nationale permanent à chaque nouveau né ? Qu’est qui empêcherait aux autorités de contrôler le passage des uns et des autres d’une zone à une autre par une simple formalité d’arrivée ou d’entrée dans l’aire géographique d’une région ? Aujourd’hui, l’Etat devrait penser à un tel système d’identification qui attribuerait à chacun un numéro d’identification dès sa naissance qu’il immortaliserait dans son registre, et qui lui permettrait de repérer l’individu peu importe où il se trouve sur le territoire.

La justesse d’un tel système dans la situation actuelle

Même quand localiser chaque individu via sa résidence serait difficile, la situation actuelle rend la tâche facile pour la mise en place d’un tel système. Beaucoup de sinistrés actuellement résidents des places publiques, habitent dans des zones où leurs maisons ne sont pas identifiables à travers ce qu’on appelle corridors ou zones prolongées. Etant donné qu’ils résident sur les places publiques, les autorités pourraient installer un ou plusieurs bureaux d’enregistrement selon l’étendue de la zone pour enregistrer chaque individu par famille sinistrée et attribuer à chacun un numéro de présence sur la place. Ce même bureau constituerait aussi un centre de gestion de l’aide et de ressources en termes de ceux qui doivent être servis ou pas. Ce serait un système permettant de mieux gérer le flux de gens qui auraient accès à l’assistance humanitaire.

Avec un tel système en place, la distribution des sacs de riz n’a plus de sens. L’essence même de cette distribution porte le germe de son échec. Quand une famille possède un sac de riz, elle le stocke quelque part et l’utilise quotidiennement par mesure suivant la grandeur de sa famille. Aussi, elle a un lieu pour le faire cuire. Dans le cas des sinistrés, il est impossible d’avoir un lieu de stockage, un endroit et des ustensiles nécessaires pour faire la cuisine. Posséder un sac de riz, des fois sans les condiments qui devraient compléter le plat quotidien de l’Ayitien, ne vaut rien. Les conditions de l’acquisition menacent leur sécurité. Ceci dit, donner une quantité de riz à la population sinistrée complique la vie sociale de la population plus qu’elle facilite les choses.

S’il faut nécessairement nourrir la population pendant cette période difficile, il est incorrect de donner la nourriture brute aux familles pour qu’elles se débrouillent après. Ce qui serait plus approprié serait de monter dans différents coins de rue des cantines populaires pouvant distribuer au moins deux plats chauds par jour, suivant les normes culinaires Ayitiennes. Les responsables, via le bureau d’enregistrement et de gestion de l’aide et des ressources, pourraient engager un personnel de cuisine et d’entretien pour conduire la cantine. Ce serait de l’emploi créé pour une catégorie d’individus. L’embauche se ferait à travers la population enregistrée à cette fin. L’allocation de la nourriture serait efficiente. La consommation d’énergie serait moindre. Le risque d’incendie pendant la cuisson tout près des abris contenant des objets inflammables serait aussi réduit. Au début, il y aurait des imperfections, mais avec l’expérience de tous les jours et une sérieuse supervision, la gestion de l’aide alimentaire serait nettement améliorée. Cela éviterait, le désastre autour de la distribution de riz.


Jean Poincy
Février 2010

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