Translate this page

NOU TOUT DWE JWENN + NOU TOUT AP JWENN = NOU TOUT JWENN

FÒK SA CHANJE

vendredi 16 septembre 2016

Réflexions sur un système politique contre le complexe du “Pouvoir à Moi Seul” en Ayiti


D’une forme de gouvernement à une autre, comme de la dictature à la démocratie, les problèmes d’hier restent ceux d’aujourd’hui. Leur mauvaise gestion tend vers un mal endémique nourri par le complexe du “Pouvoir à Moi Seul”, une résultante du rapport entre la conquête et la conservation du pouvoir de l’Etat, techniquement absolu. Les sociétés, qui contrôlent ce complexe, connaissent le progrès socio-économique. Pour celles qui n’y arrivent pas, c’est la régression et la dégradation des conditions de vie humaine ; le cas d’Ayiti symbolise ces dernières.

L’origine du complexe

Etant une création nécessaire de l’Homme, l’Etat sera là autant que l’espèce humaine existe, parce que les circonstances liées à sa naissance prennent racines dans les conflits inhérents à la coexistence des hommes dans une communauté. En conséquence, adopter l’Etat comme outil de gestion des affaires collectives implique coûte que coûte une possession et une passation du pouvoir de l’Etat. Dans certains cas, cette démarche dévie l’Etat de son champ d’action initial de créer des conditions permettant à chaque individu de sa société de jouir sans crainte et en toute liberté, mais relativement, de ce qui lui est dû. La quête et la conservation du pouvoir deviennent en quelque sorte la finalité de l’Etat en semant la convoitise chez quiconque ; d’où, le complexe.

Le besoin de  contrôle du complexe

Le complexe du “Pouvoir à Moi Seul” est absent dans les sociétés optant pour une vie collective sans l’Etat. Cependant, si elles jouissent d’une quelconque paix en administrant leurs affaires suivant leur tradition, leurs conditions de vie restent précaires contrairement aux autres sociétés avec l’Etat. Nombreuses sont celles-ci qui, victimes et conscientes de cette tare naturelle de l’Etat, ont procédé au changement de la forme administrative qu’il doit revêtir, pour essayer de maîtriser le complexe plutôt que de l’éliminer. Etant donné que le pouvoir absolu, qui produit le complexe, fait un avec l’Etat, son éradication effacerait automatiquement celui-ci. Ce serait néfaste à la survie d’une communauté d’hommes. En effet, le caractère indispensable de l’Etat offre seulement l’option de neutraliser le complexe. Ayiti une société avec Etat a aussi tenté d’avoir ce contrôle, mais sans succès ; un peu plus tard les séquelles du complexe reprennent leur souffle, pour faire corps avec la démocratie comme une nouvelle forme administrative. 

L’impératif d’une forme de gouvernement appropriée

Il est facile d’imputer cet échec à un manque d’application des principes constitutionnels pour asseoir la démocratie, et aussi tentant de dire qu’une observation conforme de ces principes par les autorités permettrait de redresser l’Etat dans ses responsabilités originelles. Donc, obliger les détenteurs du pouvoir de l’Etat à s’y adhérer épargnerait à la société le dilemme de repenser à une alternative, peut-être toute nouvelle ou calquée sur d’autres formes déjà existantes. Nourrir ces lignes de pensée émanerait de la paresse intellectuelle, parce que Ayiti demande une forme de gouvernement appropriée pour concrètement neutraliser le complexe, car l’extirper vaudrait dire éliminer l’Etat, un luxe qu’aucune société moderne ne peut se permettre. Ceci dit, il faut vivre avec le complexe sans lui laisser la marge de prendre le dessus. S’il y a persistance dans la forme de gouvernement telle qu’elle existe, mais seulement avec le remplacement d’un gestionnaire politique et une simple modification de certains principes de fonctionnement, il est très probable que les problèmes resurgissent. Etant donné que le germe du complexe est immortel et pernicieux, il importe de repenser à un appareil d’Etat propre à Ayiti capable d’endormir le complexe indéfiniment tout en gardant l’essence démocratique. La proposition est de se défaire du régime présidentiel, et de remanier les systèmes parlementaire et judiciaire.

La défectuosité du régime présidentiel

Le régime présidentiel comme connu dans les sociétés Etatisées tend à attribuer un pouvoir énorme à un seul individu qui même avec des principes limitant son pouvoir incline vers une appropriation du “tout pouvoir”. Porteur du germe du complexe, un tel système restera défectueux dans une société dont la culture familiale et politique se repose sur le pouvoir absolu d’un chef de famille et d’un chef d’Etat ; surtout, si la pratique du fonctionnement et du respect des lois établies a toujours été une forme pour se dire une société civilisée ou un moyen pour faire avancer l’intérêt d’un individu ou d’un groupe.

L’introduction d’un système administratif avec deux branches exécutives et un parlement avec deux chambres, comme obstruction à toute appropriation du “tout pouvoir” par quiconque, est sans effet dans une telle société. Le modus operandi de ce système est la majorité représentative. En conséquence, il suffit à un président d’obtenir la majorité au parlement pour faire valoir ses visions personnelles ou ses caprices. Là où il n’a pas la majorité, la cohabitation au niveau de l’exécutif est difficile, et faire fonctionner l’Etat est quasi-impossible. Un tel système ne fonctionne bien que dans une société où il existe une certaine habitude du respect des lois et où la culture politique laisse de l’espace à la tolérance. En Ayiti, une société où prédomine un attachement viscéral à l’homme au pouvoir au détriment de ces facteurs là, un président a les mains libres pour contrer l’objectif de l’Etat.

Pour un système de gouvernement alternatif

Etant toujours fertiles pour faire fructifier le complexe, les sociétés Etatisées sans la culture des lois rendent le système présidentiel inapproprié. Si de la culture familiale et politique reposant sur le pouvoir absolu d’un chef Ayiti devra s’affranchir, il nécessitera une nouvelle constitution pour un système de gouvernement à trois unités où chacune sera constituée d’un nombre de membres équivalant au nombre de départements que comporte le pays, soit un représentant par département. Cependant, le département où siégera le système en place ne devra être représenté en aucun cas, parce que le corps gouvernemental s’y trouvera déjà. Etant donné que le pays comporte 10 départements chaque conseil aura 9 membres.

La charpente du nouveau système  

 1-    La réalisation d’un tel système nécessitera l’abrogation de toutes les lois pour repartir à neuf. Cependant, le processus de création de nouvelles lois devra permettre la réintégration de certaines lois jugées favorables à une bonne harmonie collective par le conseil législatif.
 2-    Une provision constitutionnelle devra attribuer une espérance de vie à chaque loi. Peu avant le terme d’une loi, il importera de la réviser pour déterminer les possibilités de sa ré-adoption, ré-adaptation, modification ou sa mise hors d’effet sur la conduite collective.
 3-    Des principes constitutionnels déterminant les modalités relatives aux objectifs fixés pour la société.
 4-  Les deux axes de ces principes devront essentiellement tourner autour de la gestion équitable des ressources économiques et de la formation politique répondant aux demandes de cette gestion.
 5-  Un “blue-print” du développement économique et politique que tout nouveau gouvernement devra utiliser comme guide de fonctionnement. Dans ce cas, les programmes de tout gouvernement futur devront être taillés sur ce patron économique et politique.
  6-    Les unités seront : le conseil exécutif, le conseil législatif et le conseil judiciaire.
  7-    Le conseil exécutif veillera à la bonne marche des affaires collectives.
  8-    Le conseil législatif érigera des principes d’harmonisation de la collectivité.
  9-    Le conseil judiciaire interprétera ces principes et s’assurera de leur observation et exécution.
10- Aucun conseil ne pourra choisir les membres d’un autre conseil. Cependant, un comité de sélection provisoire tiendra lieu à cette fin après chaque investiture des membres du conseil exécutif et législatif, pour créer le conseil judiciaire d’après les propositions des partis politiques. 
11- Au sein de chaque conseil, les principes du processus décisionnel devront se reposer sur le principe de vote de 2/3, si ce n’est l’unanimité. Nonobstant, si l’état des choses est jugé urgent et que l’idée est de faciliter la prise des décisions, la majorité simple pourra être adoptée sans l’apport du vote de celui présidant le conseil, avec la réserve qu’il utilisera son droit de vote uniquement dans les cas d’égalité des votes pour et contre en vue d’obtenir une majorité.
12- Chaque conseil sera mandaté seulement pour 4 ans. Aucun renouvellement du mandat d’un membre d’un conseil ne sera permis. Tous les quatre ans, il y aura l’investiture d’un nouveau gouvernement.
13- Chaque conseil maintiendra sa survie par l’auto-contrôle, le pouvoir de chaque membre sera égal même quand un des membres présidera annuellement à tour de rôle son conseil. Celui qui présidera doit être choisi par les membres du dit conseil. Donc, un conseil n’en connaîtra que quatre au cours de son mandat.
14- Au début, le choix des membres devra être indirect, en raison du choix émotionnel ou irrationnel qu’un citoyen tend à faire. Après avoir atteint une certaine maturité politique, un citoyen ordinaire sera apte à mieux évaluer et juger le programme d’un candidat en fonction de ses intérêts ;  lors, le choix direct pourra être envisagé.
15- Les membres des conseils seront issus des partis politiques suivant leur performance électorale dans leur département.
16- Tous les conseils réunis formeront le gouvernement national.
17- Le système national devra être le model à suivre par les administrations locales, mais avec des nuances ou touches locales.
18- Il faudra régir l’existence des partis politiques selon ces principes :
  • sera parti politique tout rassemblement constitué à cette fin et qui aura nécessairement une présence dans chaque département ;
  •  pour obtenir le statut de parti politique, il devra exister un programme politique répondant au “blue-print” du développement économique et politique établi constitutionnellement ;
  • quiconque pourra être membre d’un parti politique, mais tout représentant d’un parti politique appelé à devenir candidat pour un poste électif devra avoir une formation universitaire compète ;
  • il ne pourra exister plus de quatre partis politiques dans le pays ;
  • la coalition des petits partis sera préférable pour donner un grand parti.
Il n’y a aucune prétention de dire que cette proposition est l’outil absolu de contrôle du complexe du “Pouvoir à Moi Seul”, mais elle contient des éléments de remède au problème politique du pays. Comme idées séminales, elle invite, les politiques à l’autocritique, les autorités à une évaluation objective de la dégénérescence abyssale de la collectivité et les penseurs politiques au débat alimentant leur développement pour un système politique approprié en Ayiti.


Jean POINCY (2005)
caineve@yahoo.fr  


Aucun commentaire: