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FÒK SA CHANJE

mercredi 16 juin 2010

Des idées pour la refonte d’Ayiti : comprendre le privé et l’Etat dans l’action économique


Des réunions de tout genre, internationales, régionales et nationales, mais toujours sans solutions pratiques et appropriées. A retenir la plus récente tenue à club indigo qui, met “le secteur privé au centre de la reconstruction”, prône une agriculture décentralisée, et supporte les petites et moyennes entreprises, outre le tourisme, le logement et le développement urbain comme d’autres filières prioritaires de développement économique (Le Nouvelliste, 11 juin 2010). Pendant que le secteur privé et l’Etat sont très mal perçus dans l’action économique du pays, l’appropriation des principes basiques de l’abécédaire économique est erronée. Il n’en résulte jamais une action concrète. En conséquence, c’est la reprise constante des réunions avec d’autres acteurs qui ne disent pas davantage mieux pour ressasser les mêmes choses.

La confusion économique des rôles du privé et de l’Etat

En tout temps et en tout lieu, le développement économique d’une société a toujours été la plate bande du secteur privé. Le secteur privé incluant les producteurs et consommateurs sont les principaux acteurs qui mènent le jeu via une transaction mutuellement profitable. L’Etat n’y joue qu’un rôle accompagnateur pour assurer une interaction fluide, garantir l’accès aux ressources et prévenir les dérives abusives de l’un sur l’autre. Comme un levier d’équilibre social, il ne peut pas être un investisseur-producteur de biens de consommation que seuls les privés sont appelés à fournir, ni le pourvoyeur principal d’emplois. Le cas où il assume ce genre de rôle est quand il s’agit des infrastructures publiques devant faciliter les transactions des privés, et de l’accès à certains biens et services à donner aux moins capables.

Le secteur privé ne souhaite pas y intervenir en raison des coûts élevés de leur mise en place sans obligation de partage avec tous ceux qui en jouissent. Ce sont des coûts de transaction qui, engendrés par des passagers clandestins (roulibeurs) et impossibles à récupérer par le privé, font de l’Etat le seul apte à les assumer pour assurer l’équilibre social. Pour s’y prendre, il a deux outils à sa disposition : une politique fiscale qui détermine sa politique budgétaire et une politique monétaire pour contrôler les soubresauts du système économique. A chacun son rôle dans l’action économique. C’est une aberration d’incomber à l’Etat la responsabilité du privé qui est naturellement l’investisseur et le créateur d’emplois.

Une approche économique contradictoire

Si la tendance de faire des petites et moyennes entreprises l’engin du regain économique est économiquement correcte, le processus préconisé forcera le pays à rater encore une fois le rendez-vous. S’il est vrai que les petites entreprises puissent constituer une source intarissable de création d’emplois, elles n’ont pas la capacité naturelle de booster la croissance économique par le biais des secteurs prioritaires proposés. Une flagrante contradiction qui évoque un besoin de production à haute intensité de main-d’œuvre que les petites et moyennes entreprises ne sont pas en mesure de réaliser en tant que poches d’emplois communautaires ou de quartiers. L’agriculture, le textile et le tourisme sont loin d’être l’apanage desdites entreprises. En effet, ils demandent d’énormes investissements pour contribuer à la croissance économique.

En outre, si l’idée de rendre accessibles les fonds d’investissement aux petites et moyennes entreprises est juste, vouloir le faire à travers la création d’un fonds alimenté par le gouvernement ou la communauté internationale défie toute logique financière dans le processus de création de l’argent. La proposition laisse entendre une disponibilité immédiate de larges fonds à un prix/taux d’intérêt accessible, alors qu’une telle disponibilité se construit dans le temps avec l’argent qu’épargnent les salariés/consommateurs. Cela suppose une multiplicité de prêts à partir d’une première somme épargnée par un individu dans une banque, réduite bien-entendu d’un certain pourcentage, pour faire le tour d’un nombre d’emprunteurs.

A partir du premier dépôt, consécutivement il s’ensuit un prêt à un autre individu pour l’achat d’un bien quelconque, un deuxième dépôt du producteur/vendeur du bien à sa banque, puis un prêt de ce dernier dépôt fait à un autre individu pour une dépense et ainsi de suite jusqu’à ce que la saturation du parcours de la somme. Le système bancaire Ayitien est hors de ce circuit, en dépit du fait qu’il accumule l’épargne des individus. Il revient alors à l’Etat d’encourager l’épargne et exiger l’observation de ce principe fondamental de création de fonds d’investissement pour que les efforts de développement économique soient structurels.

Le revenu individuel comme pivot

Tout dépend du revenu de l’individu dont un faible pourcentage va à l’Etat sous forme de taxe pour assurer la fiscalité, et le reste disponible pour déterminer son pouvoir d’achat réel partagé entre la consommation et l’épargne. La portion de cette disponibilité allouée à chaque dépend du standard de vie de l’individu. D’une manière ou d’une autre, la consommation et l’épargne stimulent l’économie sous l’effet des politiques fiscales et monétaires de l’Etat. Celles-ci servent à stimuler la consommation pour éperonner l’économie, ou décourager la consommation d’une économie en effervescence pour encourager l’épargne aux fins d’avoir une plus grande disponibilité de fonds à un taux très favorable à l’investissement, ou de réaliser des investissements publics. Le rôle de l’Etat ici n’est pas de rendre disponible un fonds public pour l’investissement privé, mais de sécuriser le système financier et garantir son accès à tout identifiable et crédible qui souhaite entreprendre indifféremment de la taille des entreprises.

S’il s’agit de générer assez d’emplois pour déclencher le processus, vouloir passer par l’agriculture, l’assemblage et le tourisme est peine perdue. L’agriculture avec sa propre déficience naturelle, le manque de terre arable, la mauvaise gestion du territoire, il est impossible de nourrir la population encore moins avec la production agricole pratiquée par tous. Il convient de tourner le dos à l’agriculture vivrière, quitte à ce qu’on continue d’importer la nourriture, pour consacrer les terres à la culture des matières premières capables d’alimenter les industries pour la production de masse des biens de consommation. L’assemblage et le tourisme n’ont pas la capacité motrice. La gratification immédiate est l’emploi de beaucoup d’individus avec un revenu régulier petit qu’il soit pour déclencher tout le processus. Ne faisant pas abstraction de ces principes basiques, l’Etat n’aura besoin d’aucune faveur du secteur privé pour alimenter son assiette fiscale. Choisissant l’industrialisation comme priorité, beaucoup d’emplois seront créés pour être une source fixe garantie de revenu public.

Jean Poincy
Juin 2010

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