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FÒK SA CHANJE

mardi 6 juillet 2010

Quel Contrat Social pour une Ayiti en Refonte Démocratique ?

Avertissement
Ce sujet a été déjà traité en 2005 quand le groupe 184 faisait beaucoup parler de lui, et est encore d'actualité.

Dans le processus d’élaboration d’un nouveau contrat social, il faut se méfier du jugement de la majorité, toutes classes sociales confondues. Myope et guidée par les émotions, son comportement presque toujours irrationnel porte beaucoup de préjudices à son bien-être. Quand l’accoutumance de bien faire fait défaut, le choix de la majorité se solde souvent en échec. La courte période d’expérience démocratique ayitienne où la majorité a une participation directe dans le processus de décision collective en est une parfaite illustration. Ce n’est pas qu’elle soit inapte à décider, mais la conception du système lui permettant d’y participer comme nous le faisons est boiteuse.

Sachant que ma position diffère de la perception de beaucoup sur la place que doit occuper l’individuel et le collectif dans une société, un désaccord ou une résistance à mon invitation d’explorer de nouvelles avenues ne m’étonnerait pas. Malgré tout, j’ai une inquiétude. Elle réside dans la similitude des discours des différents groupes avec une nuance négligeable au niveau des stratégies de développement socio-économique qui se traduisent en ‘droit à l'alimentation, au logement, à la santé et à la garantie de l’intérêt collectif par l’Etat.’ L’unanimité reste fort douteuse et la vision est ‘centralisante’ ; ce qui fait appel à une entité impartiale comme ‘faiseur des bien-êtres individuels’ par le biais du bien-être collectif. A travers ce texte, j’entends démontrer les failles de cette perception majoritaire qui peut davantage perdre le pays, puis faire l’ébauche d’une autre façon d’édifier l’ossature de notre société. Ma démarche consiste à :

1) investiguer le cadre de réflexion de cette position dite collective ;
2) mettre en lumière la contradiction qui la contamine ;
3) identifier l’individu réel dans un cadre collectif ;
4) inviter tout le monde à explorer une approche économique de concevoir une société moderne.

1 : Le cadre de réflexion

En essence, les idéaux sophistes et utilitaristes encouragent l’individu à s’oublier et à entreprendre des actions capables d’apporter la plus grande utilité au plus grand nombre, même au prix de sa misère ou de celle d’une minorité. Noble qu’il puisse être, un tel penchant ne peut qu’engendrer le type d’homme d’Etat que connaît Ayiti. Au nom de la majorité, ces prescriptions sophistes et utilitaristes réveillent naturellement le petit dictateur dormant en chacun de nous pour défendre, ses intérêts particuliers et ceux de ses proches auxquels la vertu collective dit non.

Il suffit de placer un de nous dans le cadre où il doit penser pour le reste dans une logique collective et il prendra le prétexte d’entreprendre des actions capables d’apporter la plus grande utilité au plus grand nombre au détriment d’une minorité. Dans ce cas, l’action noble de l’individu visant la collectivité doit être imposée par dogmatisme ou par autoritarisme. La raison est que le dessein du collectif entre en conflit avec celui de l’individuel. Que faire quand un projet collectif envisagé fait éclat avec les intérêts d’un groupe d’individus qui ne le partage pas ? La coercition est le seul recours.

C’est un élan irrationnel à éviter même quand le but fixé, l’amélioration des conditions de vie dans une collectivité, est pareil à celui que j’ai en tête quand j’insiste sur l’individuel. Mon raisonnement démêle l’imbroglio plutôt que de ne nous compliquer la vie. Parmi les multiples contrats sociaux qu’a connu le pays, il est impossible d’en trouver un qui concrètement élève l’individuel au-dessus du collectif. Si dans l’un d’eux on parle de liberté et d’égalité des droits, le pivot sur lequel il tourne est la collectivité. Le canevas constitutionnel ayitien n’offre à l’individu qu’une jouissance virtuelle, car le collectif l’empêche de se réaliser sans se réaliser lui-même.

Toute idée de nouveau contrat social doit embrasser le rationalisme économique si nous voulons refondre notre société dans la démocratie. Sinon, un nouveau contrat social peut être toujours produit pour ne connaître que le sort de celui de 1987 et que vingt ans plus tard, après un autre mea-culpa, nous aurons toujours à discourir sur la nécessité d’un nouveau contrat social. Si nous sommes entrain de parler de démocratie dans le cadre d’un nouveau contrat social, nous devons d’abord nous divorcer des idéaux sophistes et utilitaristes. Notre tendance à tomber amoureux du passé et de belles idées vieilles qui ont déjà posé leur pierre dans la construction de notre monde moderne et qui ne sont plus adaptées est bien le cul-de-sac dans lequel nous persistons pour passer de l’autre côté, alors qu’il n’y a pas d’issues.

2 : La contradiction

Nous refusons d’admettre que l’individu est au cœur de toute démocratie dans sa totalité et que le collectif est subordonné à l’individuel dans le processus de survie. C’est une attitude contradictoire qui nous empêche de bien voir l’horizon ni comment le voir. La réalité brûlante est que dans toute coopération sociale, l’individu n’est dans le jeu que pour lui. L’essence de la démocratie n’est pas le peuple en tant que collectif, mais le peuple en tant que l’unité individuelle. Peut-être que le jour où nous essaierons de voir à travers les lentilles individuelles, nous verrons plus clairement ce qu’il faut faire et le projet de société pour Ayiti bougera de quelques pouces.

Nous ne devons pas nous leurrer. Il n’y aura aucun engagement ferme d’aucun individu s’il ne voit pas son avantage. Autant que l’espèce humaine existe, si un individu ne donne pas son engagement par ignorance, seule une entité coercitive peut l’obliger à adhérer à une action contre lui-même et obtenir son allégeance. Dans le cas contraire, ses avantages doivent être supérieurs aux coûts de sa participation dans tout processus de coopération sociale. Il ne suffit pas de dire par un coup de colère que l’intérêt individuel a toujours primé et qu’il faut jouer maintenant sur l’intérêt collectif. Il faut réfléchir pour reconnaître que le système ayitien permettant à l’individu de défendre ses intérêts est rigide et l’empêche de le faire en le contrôlant stupidement. C’est ce qui en réalité l’oblige à tout faire en faisant usage de la force.

Voyons le comportement des ayitiens quand une décision étatique va à l’encontre de leurs intérêts individuels ou de groupe. La position étatique étant autoritaire, la force pour eux est donc la forme de pression violente la plus appropriée capable d’obliger les autorités à baisser les bras. Comme illustrations récentes, nous avons : la question des étudiants en médecine, la question des militaires démobilisés, la question des exclus lavalassiens, la question des douanes de provinces, la question des étudiantes de l’école des infirmières pour ne citer que ça. Souvent c’est réussi ! On dirait que les autorités ne comprennent pas ce que c’est que prendre une décision affectant un groupe ou elles veulent être à la une, faire parler d’elles, et laisser leurs empreintes dans le palmarès politique. Ce qui est regrettable, c’est que chacune de ces décisions semble favoriser un groupe au détriment d’un autre même quand ce n’est pas l’intention. Instinctivement, les citoyens savent que la démocratie est de leur côté, qu’ils subissent une injustice et qu’ils ont la violence comme le seul recours pour faire valoir leurs intérêts individuels ou de groupe.

Drôle de comportement des agents économiques dans un monde moderne et dans un pays qui se veut démocratique ! Ne serait-il pas mieux de prôner une forme de gouvernement autoritaire plutôt que démocratique pour imposer un choix collectif, si vraiment le collectif devait peser plus que l’individuel dans la balance. Tout cela me rappelle le théorème de l’impossibilité de Kenneth Arrow démontrant l’impossibilité d’obtenir un résultat collectif acceptable par tous quand plusieurs individus avec une hiérarchie d’intérêts différents s’engagent dans la formulation d’un choix collectif dans un environnement démocratique.

Evidemment, la position de la majorité est en butte à une contradiction. Naturellement, elle fait appel à un idéal qui nécessite un type de gouvernement plus ou moins autoritaire alors que le souhait réel est la démocratie. Celle-ci, peu importe sa nature, vise l’individu plutôt que le collectif. L’idée est que ce dernier sera réalisé automatiquement. L’alliance de la démocratie avec le collectif désirée peut faire dérailler le système de société. Ayiti illustre bien ce fait. Le refus d’admettre que les deux sont inconciliables est une démarche irrationnelle et nous enlise davantage dans la misère économique, la misère sociale et la misère politique. Si nous devions valider le théorème de l’impossibilité par le cas d’Ayiti, ce serait dire qu’il est impossible d’avoir la démocratie dans le pays. Nous savons très bien que la démocratie est possible, mais si et seulement si elle met l’individu au centre.

3 : L’individu réel

Je suis d’accord que les intérêts particuliers ont toujours primé. Ce n’est nullement un problème de société, parce que ce comportement est universel et inhérent à la nature humaine. Les ayitiens en tant qu’être humain ne peuvent pas s’en défaire. Si notre comportement égoïste jusqu’ici nous est préjudiciable, ce n’est pas que notre égoïsme soit mal venu, c’est plutôt dû à notre absence de rationalité. Oui, l’ayitien est en parfaite harmonie avec la nature humaine, donc correct dans son attitude, mais irrationnel dans ses démarches. Ici, le concept de rationalité ne signifie pas simplement un processus logique de raisonnement, mais aussi le choix correct d’une stratégie permettant de réaliser le bien-être.

Cette mise en garde sous-entend que la rationalité peut être même le fait de prendre un chemin tous les jours pour aller au boulot sans se donner la peine d’y réfléchir. Ceci dit, la rationalité se trouve dans les actes les plus banals que nous posons tous les jours, mais le fait d’agir sans y penser pour atteindre notre objectif est un acte rationnel alors qu’il n’implique aucun calcul. Malgré tout, quand une circonstance oblige un certain calcul, si le choix d’une stratégie ne conduit pas à l’objectif, il est un choix irrationnel. Si je fais un détour, emprunte un autre chemin et arrive au boulot en retard, ce serait un acte irrationnel, parce que arrivé à l’heure est mon objectif. Par contre, si le détour me permet d’arriver plus tôt que prévu, non seulement que j’atteins mon objectif, je gagnerai aussi sur le temps pour les prochains jours. Ce serait dans ce cas un choix efficient et donc rationnel. Le choix de stratégie de l’ayitien a toujours été incorrect depuis 1804 et le sera encore avec notre tendance actuelle.

Le concept de rationalité peut être mieux compris à travers une courbe temporelle avec un point fini pour un objectif spécifique assimilé comme le bien-être qu’un individu spécifique doit atteindre. En d’autres termes, la rationalité est déterminée par l’objectif à atteindre. Peu importe les circonstances et les conditions qui prévalent dans la décision de faire ceci et de ne pas faire cela. Si l’objectif est atteint, les choix sont rationnels ; dans le cas contraire, ils sont irrationnels. C’est-à-dire que l’individu s’engage dans la quête d’un bien-être dont les facteurs sont variables. Une décision prise aujourd’hui peut apporter une satisfaction immédiate, mais si au fil du temps les conséquences de cette décision perturbent la jouissance des bénéfices, l’individu rate sa cible. Peut-être, il y aura nécessité de reprendre, pour mieux faire. Si l’objectif n’est pas atteint avec le chemin emprunté, toutes les étapes empruntées sont irrationnelles même quand il y a eu un début de satisfaction.

Quand nous parlons de l'Etat qui doit être garant de l’intérêt collectif, ne faut-il pas nous demander exactement qui sont les individus eux-mêmes qui le composent ? En toute logique, arrivés au pouvoir, ils vont défendre leurs propres intérêts indifféremment de ce qu’ils disent quand ils font campagne pour notre support ? Penser le contraire serait nous leurrer. Aucun candidat dans la course électorale actuelle ne peut avancer qu’il (elle) n’y est pas uniquement pour son compte. C’est un comportement naturel acceptable pourvu qu’il s’arrange à satisfaire les électeurs qui à leur tour vont voter pour leurs propres intérêts individuels. C’était comme ça hier, c’est comme ça aujourd’hui et ce sera comme ça demain. Aucun système ne peut l’empêcher. Par contre, les effets peuvent être neutralisés via la concurrence par des ‘incitants’, des récompenses ou la perte des privilèges. Seule l’habitude à cette manière de faire peut inculquer chez les générations à venir l’automatisme de la rationalité qui donnera l’impression que le collectif vient avant l’individuel.

Etant donné que dans toute collectivité le bien-être de l’un n’est pas celui de l’autre, il faut s’attendre à un nombre infini de courbes temporelles relatif au nombre d’individus la composant et aux diversités de bien-êtres individuels qu’un cadran collectif peut intercepter. Sachant que la somme de ces courbes individuelles ne totalise pas la courbe collective, ce serait hardi de penser qu’il faut d’abord passer par le collectif. Le pays ne s’en sortira jamais. C’est cette complexité qui fait la valeur et la justesse de la démocratie. Celle-ci permet à l’Etat d’essouffler et de jouer son vrai rôle de ‘veilleur de bien-être’ plutôt que de ‘faiseur de bien-être’ en laissant à chaque individu le soin de dessiner lui-même la forme de sa courbe temporelle de bien-être. Le fait même de vouloir prendre le contre-pied d’une telle évidence est une démarche irrationnelle, parce que l’objectif sera loin d’être atteint.

4 : La nouvelle approche

Ce que je propose, c’est l’approche moderne économique de construire une société juste et équitable, avec une démocratie constitutionnelle. Elle répond parfaitement à l’idéal de société que nous voulons tous pour Ayiti. Les sociétés qui reconnaissent sa justesse connaissent le progrès. L’idée est de fixer les normes fondamentales sur l’individu. Attention ! Se fixer sur l’individu ne veut pas dire que l’individu a la latitude absolue de faire ce qu’il veut par ruse, tromperie ou autres vices au détriment des autres. Il veut dire que le destin de l’individu est entre ses mains : pouvoir manger ou pas, pouvoir se loger ou pas, pouvoir s’habiller ou pas et pouvoir jouir pleinement de ses droits ou pas, tout dépendra de lui, de sa rationalité ou du choix correct de sa stratégie de survie. En effet, il lui revient de déployer l’effort nécessaire dans le processus d’acquisition et de jouissance de sa propriété dans l’ordre et le respect de celle des autres. Le cas où il utilise des vices pour se réaliser, il ne faut pas s’étonner des retombées positives avec la présence d’un ‘Etat-veilleur de bien-être’.

Il suffit d’une provision donnant à l’Etat l’unique rôle de créer une atmosphère pour que les individus réalisent leurs différentes activités pour leurs propres intérêts et sans penser à la collectivité. Des actions conjuguées involontairement par les individus engendreront des effets bénéfiques sur la collectivité sans le vouloir. Ceci dit, le bien-être collectif pour lequel nous nous faisons tant d’inquiétudes sera automatiquement réalisé suite aux résultats des activités individuelles facilitées par une structure sociale appropriée et bien ordonnée. Cependant, si nous nous mettons à imaginer comment va sortir le collectif et tentons de le programmer avec une multitude d’intérêts privés comme outil, nous risquerons de nous casser la figure.

Le système de pensée que j’invite tout le monde à explorer établit dès la fondation les éléments devant assurer le respect des engagements collectifs. La clef est le fait que chaque contractant ne sait pas ce que sera sa position future dans la société. Le fait d’imaginer que quiconque peut ou peut ne pas jouir de certains avantages portera tous les contractants à se mettre en concurrence et en même temps mettre au point un système correctif/compensatoire permettant de parer à l’inégalité sociale et économique qui est une conséquence directe de tout état de concurrence venu d’une association d’individus.

Ce système correctif/compensatoire peut être assimilé à un système de redistribution aux bénéfices des contractants qui subissent les externalités négatives de la concurrence. Comme élément primordial d’un contrat social, il importe de débattre comment créer ce système sans léser quiconque. Dans un cadre général, une provision pourrait stipuler que si un groupe entreprend une activité ou supporte un programme quelconque, il doit assumer la totalité des coûts de sa mise en place ou de la compensation.

L’idée centrale est que ces activités entraînent nécessairement des externalités négatives et que ceux qui en souffrent doivent être récompensés d’une manière ou d’une autre indirectement par les bénéficiaires. Dès le départ, tous les contractants sauront à quoi s’en tenir si, suivant les circonstances, l’un ou l’autre se trouve dans l’une ou l’autre position. Sachant qu’un tel système existe, ils le respecteront automatiquement pour deux raisons :

1) l’éventuelle situation où ils seront à leur tour victimes et qu’ils seront récompensés ;
2) la présence d’une force coercitive prête à les sanctionner sévèrement en cas de non-respect des principes. C’est un scénario purement individuel ayant le collectif comme outil de réalisation.

Un contrat social fondé sur ces préceptes n’a pas besoin de plus de 10 articles pour être viable, durable et juste. Tenter d’intégrer comme un accord constitutionnel ce qui est susceptible d’être changé dans le temps ne serait pas judicieux et pourrait être très regrettable comme choix. Il faut jouer sur le temps, parce qu’on ne sait pas exactement les changements que les nouvelles circonstances peuvent apporter. Vouloir faire des stratégies de développement un item constitutionnel peut être un obstacle. Par exemple, si constitutionnellement on accorde à une région du pays des privilèges de développement dans l’industrie touristique parce que pour le moment présent elle est la seule qui présente le potentiel, que fera-t-on quand dans quelques années plus tard d’autres régions la surpassent en potentiel ? Ce sera un problème, alors cet élément aurait pu être laissé comme matière de discussion de tous les jours des hommes de loi qui vont adapter une mesure aux circonstances tout en stimulant la concurrence.


Jean POINCY
Novembre 2005

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